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principalement les blés qui mettent toutes les professions sur pied ».

Proclamant ensuite l’importance capitale de la consommation, il en fait le point de départ de tous les revenus, « les fruits de la terre les plus exquis et les denrées les plus précieuses n’étant que du fumier, d’abord qu’elles ne sont pas consommées ». A cette fin, il est indispensable de multiplier les transactions, de les faciliter, de les rendre rémunératrices en maintenant un juste équilibre entre toutes choses et laissant à chaque objet sa valeur naturelle. Ces diverses lois ont pour conséquence de créer entre les hommes une solidarité puissante dont la liberté du commerce intérieur et extérieur est la meilleure garantie. Enfin, il se résume lui-même en déclarant qu’il suffit, pour tout remettre en état, de « permettre au peuple d’être riche, de labourer et de commercer ».

Sans parler des curieux renseignements historiques que fournit Boisguilbert sur les détails de l’administration financière de son temps ; sans insister sur la sagacité avec laquelle, à travers les abus et les privilèges de toute sorte, il arrive à dégager le principe de la proportionnalité de l’impôt, les avantages qui découlent de sa modération etles bienfaits qu’en retire le souverain aussi bien que ses sujets, il suffit à sa mémoire qu’il compte parmi les précurseurs de l’économie politique. Tous les éléments de la doctrine des physiocrates se trouvent, en effet, dans ses écrits, dont l’influence a été considérable sur les notions économiques du XVIIIe siècle. Cependant les contemporains de Boisguilbert semblent avoir fait peu dé cas de lui. Si le duc de Saint-Simon en parle dans ses Mémoires avec quelque estime, Vauban et Voltaire se montrent à son égard d’une certaine dureté. Rapprochés par la poursuite d’un but com mun, le maréchal et Boisguilbert commencent par bien s’entendre, et la préface de la Dîme Royale contient des éloges à l’adresse de l’auteur du Détail. Mais leurs rapports ne tardent pas à s’aigrir. Le premier, écrivant à Chamillart au sujet du lieutenant général au baillage de Rouen, le représente comme « un peu éveillé du côté de l’entendement », mais capable néanmoins d’un bon conseil, « le plus fou donnant quelquefois de fort bons avis aux plus sages ». En retour, la Dime Royale n’est, au dire du second, qu’un projet « ridicule, impraticable », émanant de personnes n’ayant pas la moindre teinture des connaissances indispensables pour raisonner sur une pareille matière.

Cette fâcheuse opinion n’empêche point Boisguilbert d’emprunter le nom de cet « entêté », ainsi qu’il appelle Vauban, et de donner ses œuvres au public comme le Testament Politique du maréchal. De là 1 erreur de Voltaire confondant le Testament et la Dîme Royale, il ne manque aucune occasion d’affirmer que ce dernier ouvrage est de Boisguilbert. Il ne lui pardonne pas d’ailleurs d’avoir rejeté sur Colbert « la langueur qui commençait à se faire sentir dans les nerfs de l’État », et il range dédaigneusement « ce feseur de projets » au nombre de ces gens qui « présentent aux ministres des mémoires pour rétablir en peu de temps les affaires publiques et, en attendant, demandent l’aumône, qu’on leur refuse ».

Les travaux de Boisguilbert n’ont reçu que tardivement l’hommage qui leur est dû ; ses OEuvres, revues avec un soin extrême et remises en ordre par Eugène Daire, ont été publiées, avec une notice, dans le premier volume de la Collection des principaux économistes de Guillaumin. Les détails de sa vie étaient alors peu connus.

En 1866, l’Académie des sciences morales et politiques proposa comme sujet de concours sa biographie et la critique de ses écrits. Les trois Mémoires couronnés ont été publiés sous les titres suivants P. de Boisguilbert, sa vie, ses œuvres, son influence, par Félix Cadet ; l’Éconornie politique avant les Physiocrates, par Horn ; Biographie de Boisguilbert, par Arthur de Boislisle ; ils permettent, avec les recherches de E. Daire, de se rendre compte de ce que fut réellement Boisguilbert et d’apprécier la valeur de son œuvre. Voici les indications bibliographiques concernant ses ouvrages

Le Détail de la France a été publié sucessivement sous les trois titres suivants Détail de la France, la cause de la diminution de ses biens et la facilité du remède, en fournissant en un mois tout l’argent dont le roi a besoin et enrichissant tout le monde. 1695.

La France ruinée sous le règne de Louis XIV, par qui et comment, avec les moyens de la rétablir en peu de temps. 1696. Cologne, Pierre Marteau, petit in-12.

Mémoire pour servir au rétablissement général des affaires en France, où, par occasion, on fait voir les causes dé sa décadence. Villefranche, 1697.

Deux nouvelles éditions du Détail ont paru en 1698 et 1699.

Cet ouvrage a encore ’été publié avec une notice dans les Archives curieuses de l’Histoire de France, 2e série, tome XI.

Le Factum de la France a été édité à Rouen en 1706.