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ns résultent de cet amas de prescrip- tion reste en suspens, laissant voir une plications résultent de cet amas de prescriptions, de formalités, de taxes et de paperasses. Ces embarras et les inconvénients qui en résultent ne sont d’ailleurs pas nouveaux. Depuis longtemps on s’efforce de trouver le moyen de les faire disparaître sans appauvrir cette riche source fiscale. Trois grandes enquêtes parlementaires ont été entreprises déjà dans ce but, en 1830, 1849 et 1881. Elles n’ont abouti qu’à des améliorations de détail, sans changer l’organisation générale des taxes. En 1888, un Rapport très étudié, présenté au sénat par M. Claude (des Vosges), a présenté dans tout son jour la question de l’alcool. En 1887-88, une commission extraparlementaire a de nouveau étudié la question

à un point de vue très pratique. Le Rapport, rédigé par M. Léon Say, aboutit à une série de conclusions qui se résument ainsi surveillance étroite de la distillation industrielle, agricole et vinicole (bouilleurs de vin) ; taxation des vins selon le degré alcoolique constaté ; élévation du taux de l’impôt sur l’alcool en vue d’en réduire la consommation. Tout cela est très sage, mais nous avons montré que ces indications ne répondent qu’à une face de la question, et encore n’est-il pas très aisé de les appliquer. L’expérience montre donc que la réforme présente des difficultés extrêmes, ou même insurmontables dans l’état actuel des choses, avec les besoins présents de nos finances.

On a voulu cependant, au cours des sept ou huit dernières années, tenter un effort dans ce sens et de nombreux projets ont surgi. Tous avaient pour but principal le dégrèvement des boissons alimentaires, moyennant une surcharge des taxes établies sur l’alcool. On leur a fait cette juste objection, que la surcharge proposée n’irait pas, étant donné la pénurie du Trésor, sans un double inconvénient : 1° il est difficile de compenser en totalité la perte du Trésor par une surcharge sur l’alcool, car l’impôt deviendrait exorbitant 2° plus une taxe est élevée, plus elle invite à la fraude, et son produit peut alors baisser sensiblement.

Il était difficile de réfuter ces objections pratiques, et l’on a cherché dans des contributions accessoires le moyen de combler le déficit laissé par la détaxe des vins, cidres et bières. Un ministre des finances a même essayé de profiter de l’occasion pour faire accepter une taxe spéciale minime sur le revenu, probablement avec cette idée de derrière la tête, que l’impôt nouveau pourrait plus tard étendre son rôle. Ces prétentions inopportunes n’ont pas encore pu se faire admettre par les chambres et la question reste en suspens, laissant voir une fois. de plus toutes ses difficultés avec la quasiimpossibilité de les résoudre.

Nous n’essayerons pas de fixer ici la solution qui semble fuir devant les enquêtes et les projets. Bornons-nous à constater que les trois points de vue que nous avons dû envisager offrent souvent des aspects contradictoires, et c’est justement pour cela que la question est restée entière si longtemps, non-seulement en France, mais encore dans presque tous les autres pays, dont la législation est rarement moins dure que la nôtre, et se montreparfois plus restrictive encore. L’exercice est usité avec la dernière rigueur, au moins en ce qui concerne l’alcool, dans tous les. principaux États ; la Suisse a organisé lemonopole dans des conditions spéciales. Les tarifs de perception sont généralement plus élevés que chez nous (en Angleterre, près de 480 francs par hectolitre d’alcool pur ; aux États-Unis, 245 francs). En revanche, les t boissons alimentaires sont plus ménagées, en général, qu’en France celles dites de ménage sont presque toujours exemptes ou très faiblement taxées. On arrive ainsi à pallier quelques-uns des inconvénients que nous avons signalés. (Pour plus de détails, se reporter au mot SPIRITUEUX).

Il n’en est pas moins vrai que les boissons 1 prennent rang parmi les matières imposables les plus faciles à saisir et à taxer, et que les besoins fiscaux conduisent souvent, surtout t en France où la question est compliquée par t l’abondance et la variété des productions, t au froissement des intérêts économiques, parfois même des intérêts sociaux. Dans un pays comme le nôtre, où les fonctions de l’Etat sont si multiples, les budgets si énormes, les besoins si étendus, il est difficile de t tarir ou même d’appauvrir une source de revenus qui compte parmi les plus fructueuses. On le sent et, en essayant de dégrever de ce côté, on se voit obligé de taxer à nouveau de l’autre, au risque de surcharger des situations déjà lourdement atteintes.. t Dans ces conditions, et sauf quelques réformes de détail faciles à opérer, mieux vaut garder un système dont la pratique prolongée a arrondi les angles, poli les surfaces et. adouci les frottements, plutôt que de risquer t des innovations qui, sans faire disparaître. complètement les inconvénients actuels, en amèneraient de nouveaux. L’amélioration viendra d’elle-même le jour où, par une évolution profonde des mœurs et des idées,. l’État aura dépouillé l’excès de ses attributions, et par là diminué l’amplitude de ses besoins. Il pourra alors réduire effectivement son budget des recettes, au profit des con-