Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 1.djvu/239

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

BOURGEOISIE 217 BOURGEOISIE

s la société générale comme une toriques et toutes les misères que ce mot rapincte ayant ses mœurs, ses lois, ses pelle. L’histoire écrite au point de vue d’un ses moyens d’influence, on serait socialisme avide de griefs jusqu’en ces temps forma dans la société générale comme une t société distincte ayant ses mœurs, ses lois, ses magistrats, ses moyens d’influence, on serait tenté de dire presque son gouvernement. Au reste, il importe ici de le remarquer, corporations et communes ne furent que les instruments de ce long progrès, instruments mêlés de bien et de mal, corruptibles et caducs comme tous ceux que l’humanité emploie. Il 1 devient tôt ou tard nécessaire qu’elle les rejette et les remplace, à moins que, par une chance plus heureuse et plus rare, ils ne tombent d’eux-mêmes en discrédit et en désuétude. Les corporations et les communes n’échappèrent pas à cette condition générale qui fait que l’instrument utile devientstérile, que

!a loi dégénère en abus, l’appui en obstacle 

mais la marche ascendante du tiers état n’en fut point arrêtée ; il avait fait son chemin par elle, il le fit sans elles, puis malgré elles. Au seizième siècle, les communes seront en pleine décadence, ne donnant plus que quelques signes inquiets d’une existence jalouse, égoïste, hostile à la civilisation générale jamais pourtant la bourgeoisie n’avait paru plus florissante et quelle route elle devait encore parcourir ! La chute plus tardive des corporations sera de même un jour l’indispensable condition de ce progrès pour lequel leur établissement avait eu d’abord une réelle efficacité. La société française, placée sous l’empire de l’oppression et de la grande iniquité féodales, dut traverser ainsi des formes d’une liberté et d’une justice fort imparfaites pour se rapprocher, de degré en degré, par voie d’élargissement continu, de la liberté complète et de l’absolue justice. Quand les vérités qui président à la société civile ont été une fois perverties par l’abus de la force, qui peut dire combien il faudra de routes détournées pour qu’elle y rentre, d’échelles qui se brisent sous ses pas pour qu’elle y remonte laborieusement ? Nous ne défendons pas les privilèges économiques de la bourgeoisie en eux-mêmes ;

ils choquent à juste titre le sentiment de l’égalité moderne ; ils sont en désaccord avec les .conditions de la science. Mais ils furent, quand on les juge avec équité, la première étape de la liberté et du droit ; ils en furent, nous le répétons, les enveloppes destinées à tomber pour s’agrandir et la bourgeoisie s’y défendit comme en autant de forteresses. C’est ainsi qu’il faut savoir comprendre les inégalités déjà bien profondes qui dès le quatorzième siècle séparentles maîtres et les ouvriers. Dès cette époque, on trouve dans les villes comme autant de catégories assez bien tranchées, la haute bourgeoisie, une bourgeoisie moyenne et au-dessous une catégorie malheureusement nombreuse, une plèbe avec tous les vices historiques et toutes les misères que ce mot rappelle. L’histoire écrite au point de vue d’un socialisme avide de griefs jusqu’en ces temps reculés, ne pouvait manquer de noter ces divisions avec un sentiment de satisfaction systématique, mais nous le demandons que serait devenue la masse du tiers état si elle n’avait eu tout à la fois pour guide et pour bouclier cette aristocratie bourgeoise formée de barons de l’industrie, de savants, d’hommes de robe, de tout ce qui a en soi et la force qui résiste et les éléments du progrès ! Sans cohésion, sans tradition, sans appui, elle eût été disloquée, dispersée en atomes par tous les tiraillements, par tous les chocs des forces constituées en face d’elle ; elle eût au moins, comme dans la vieille Égypte, risqué de languir, soumise héréditairement à ses prêtres et à ses guerriers, dans une infériorité éternelle. Aussitôt que la bourgeoisie eut cessé de se cantonner dans la résistance, à ce mouvement de concentration forcément un peu exclusif succéda un mouvement d’expansion

des plus remarquables. L’aspiration vers l’égalité, vers le droit commun s’y fait jour et ne cesse, depuis la seconde moitié du quatorzième siècle, de donner de nombreux témoignages. Déjà la bourgeoisie, modifiée

sous l’influence du droit romain, présentait avec la noblesse un contraste bien frappant au point de vue civil. Elle pratiquait le partage des biens paternels ou maternels, meubles ou immeubles, entre tous les enfants, elle reconnaissait l’égalité des frères et des sœurs, elle proclamait la communauté entre époux des choses acquises pendant le mariage. Mais à dater de la seconde moitié du quatorzième siècle, ce n’est plus dans le cercle de la famille et de la cité que se renferme l’esprit de justice et de liberté. Fort de ces dernières positions, il tend à devenir conquérant, à réformer, longtemps sans y réussir, la société tout entière. C’est du sein même de la bourgeoisie que partirent des protestations contre les monopoles industriels et des réclamations ayant pour objet les réformes économiques et le bien-être des classes inférieures.

Les États généreux attestent à quel point l’esprit de la bourgeoisie prise en masse fut large, hardi, fécond. Les États généraux donnaient à la bourgeoisie, y compris les habitants des campagnes qui se réunissaient en assemblées primaires, une importance politique, en l’admettant à délibérer comme

troisième ordre, tiers état, de même que les parlements lui conféraient une importance judiciaire. Voyons quel usage elle fit de la parole dès qu’elle l’obtint. Il ne sert à rien de