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coup à la demande il y a alors excès de production ou abondance du produit. Cet excès de production est, dans la plupart des cas, sollicité par une baisse de valeur des matières premières nécessaires à l’industrie, et cette baisse de valeur est elle-même une conséquence de l’abondance de matières premières. Si la somme des produits agricoles est au-dessous de la production moyenne, si l’offre est inférieure à la demande, il peut y avoir rareté ; dans le cas où cette production s’abaisse, il y a disette ; si elle descend encore, vient la famine.

Abondance et disette indiquent donc des inégalités d’ordre opposé. Elles représentent les oscillations les plus basses et les plus hautes de la loi de l’offre et de la demande, c’est-à-dire un état extrême.

2. Abondance et Disette ; leurs effets.

Les effets économiques de l’abondance sont faciles à déterminer. L’abondance d’un produit tend à faire baisser la valeur de ce produit, qui se trouve ainsi mis à la portée d’un plus grand nombre de consommateurs. Elle rend, en ce qui concerne les denrées alimentaires, la vie plus facile et favorise l’augmentation de la population en outre, elle alimente l’industrie de matières premières à meilleur marché. L’abondance est en quelque sorte un don gratuit fait par la nature tous les hommes en profitent. L’excès de production, au contraire, crée, assez souvent, des crises. L’abaissement de valeur des produits est dans ce cas un travail détruit. Les industries qui ont créé le produit souffrent, et leur souffrance a une action restrictive sur les autres industries.

Un agriculteur sème chaque année, en blé, une certaine étendue de terre. Son rendement varie. Ses plus mauvaises récoltes sont, par exemple, de 12 hectolitres à l’hectare et ses meilleures de 18. Il fait un effort plus grand, jette plus d’engrais, et obtient 20 ou 22 hectolitres. Jusqu’à présent nous avons supposé les conditions météorologiques assez bonnes ; mais voici qu’elles deviennent excellentes pour une année et lui donnent, sans augmentation de travail ni de frais, 28 hectolitres ! Il aura alors un excédent qui produira l’abondance, car généralement une année, si elle est bonne au point de vue météorologique, produit son effet sur une grande surface de territoire et, par conséquent, profite à un grand nombre de producteurs.

Voici au contraire un groupe d’industriels fabriquant un produit similaire, des chemises de coton. Ces industriels croient savoir que les ouvriers ruraux abandonnent de plus en plus l’usage des chemises de toile pour celui des chemises de coton ; ils se mettent à fabriquer leur produit en grande quantité. Mais leurs prévisions étaient erronées la demande s’élève moins haut que leurs espérances la valeur de la chemise de coton baisse, une crise éclate dans leur industrie et atteint toutes les industries adjacentes. D’un côté, le produit est plus facilement acheté par le consommateur à cause de son bas prix ; de l’autre, les mauvaises opérations de cette espèce, quand elles sont nombreuses et importantes, causent un affaiblissement de puissance productive également nuisible à tous. La baisse de valeur des produits, causée par leur abondance, a une limite, celle à laquelle le spéculateur croit avoir avantage à acheter pour revendre plus tard. C’est précisément dans cette circonstance que se montre l’utilité de la spéculation. Les bonnes années ne se suivent pas toujours pour l’agriculture et, sans qu’il soit possible d’établir exactement une périodicité des bons et des mauvais rendements, l’on a remarqué que les récoltes médiocres succèdent souvent aux bonnes ; la spéculation intervient et conserve l’excédent de l’année d’abondance pour l’année de rareté. En industrie, les mêmes faits peuvent se produire lorsqu’il y a eu excès de production ; une réaction se fait sentir. Volontairement, les chefs d’entreprise suspendent ou ralentissent la fabrication du produit. Si ce produit est d’un usage courant et général, les spéculateurs l’achètent, lorsqu’il est abondant, pour le revendre dans la période de contraction. Dans ce cas, il est de toute nécessité que le produit puisse se conserver. Or, l’intérêt direct des spéculateurs les a poussés à rechercher ou à faire rechercher les procédés, destinés à préserver de la destruction, et de la fermentation des produits et, en particulier, des produits alimentaires de conservation difficile.

Ainsi le monde économique, sans qu’aucune autorité s’impose, répare lui-même, par une force propre et sous l’action de la liberté, les commotions ou les à-coups que peuvent lui causer les brusques oscillations de la loi de l’offre et de la demande, qu’elles viennent du hasard ou de la mauvaise direction de l’industrie. Il y a là un phénomène simple de la force de vie des sociétés libres, phénomène que l’on rencontre aussi en physiologie où l’on voit, de même, toutes les forces vitales se combiner pour réparer les désordres apportés, par une cause quelconque, dans les fonctions de la vie.

Lorsque l’abondance se manifeste dans un pays civilisé où la liberté économique est respectée, l’excédent qu’elle apporte, comme nous l’avons vu, est en partie épargné. Néan-