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leur inscription à un compte spécial fût complètement à l’abri de la critique, il faudrait que le solde débiteur des Compagnies ne s’accrût pas d’année en année et que les remboursements devinssent une réalité actuelle au lieu de rester une éventualité éloignée. Or, l’effet des conventions de 1883 a été de mettre la plupart des Compagnies pour une période indéterminée dans la nécessité de recourir à la garantie de l’État[1].

Les budgets annexes rattachés pour ordre au budget de l’État ne constituent pas plus que le budget sur ressources spéciales une dérogation au principe de l’unité. Ce sont les budgets d’établissements déterminés, possédant des ressources qui leur sont propres et ayant une personnalité distincte de celle de l’État. Ils sont votés en même temps et de la même manière que le budget général ; mais ils n’ont de commun avec lui que les bénéfices qu’ils lui versent et les subventions qu’ils reçoivent de lui ; les opérations auxquelles ils donnent lieu font l’objet de comptabilités distinctes. Les établissements dont le budget est ainsi rattaché pour ordre sont aujourd’hui, en France : le service des monnaies et médailles, la Caisse d’épargne postale, l’Imprimerie nationale, la Légion d’honneur, la Caisse des invalides de la marine, l’École centrale des arts et manufactures, les chemins de fer de l’État. On remarquera que cette énumération ne comprend pas la Caisse des dépôts et consignations, à laquelle le législateur a voulu constituer une indépendance particulière (V. Caisse des dépôts)[2].

Il ne faut pas confondre l’unité budgétaire avec la centralisation et, sous prétexte de réaliser cette unité, tendre à concentrer tous les services entre les mains de l’État. De ce que toutes les dépenses de l’État doivent être comprises dans le même budget, il ne s’ensuit pas que toutes les sommes employées dans un intérêt général doivent être considérées comme des dépenses de l’État. L’État n’est pas économe de sa nature ; quand il se charge directement d’un service, on peut affirmer presque à coup sûr que la dépense de ce service augmentera. Quand il prend à son compte l’actif et le passif des établissements hospitaliers et de bienfaisance, comme il l’a fait un instant chez nous de 1794 à 1796, il crée une regrettable confusion de comptes et accepte une dette perpétuelle en échange de ressources bien vite dissipées. Quand, au lieu de donner à des caisses spéciales de retraite les moyens de vivre et de se développer en laissant à chacune d’elles son indépendance, il absorbe leur avoir et assume leurs charges, comme il l’a fait en 1853, il contracte une obligation dont personne ne peut mesurer exactement l’étendue. Quand il enlève des budgets locaux pour les prendre à sa charge, les dépenses d’un grand service comme l’instruction primaire, il réalise une opération dont le principe peut être discuté, mais dont les conséquences onéreuses ne sont guère contestables. On peut même aller plus loin et se demander si certains établissements, aujourd’hui fondus dans la puissante unité de l’État, ne pourraient pas être avantageusement constitués au rang d’unités distinctes, vivant et agissant sous la tutelle et le contrôle de l’administration. L’autonomie des lycées n’existe plus guère que de nom ; ne vaudrait-il pas mieux qu’elle fût effective ? Le même régime ne pourrait-il pas être appliqué, en tout ou en partie, aux facultés, aux établissements d’enseignement des arts ? Tant que l’État subvient directement aux dépenses, personne ne se fait scrupule de tirer sur la caisse du Trésor. Dès que des économies, au lieu de profiter à l’État, peuvent être conservées par l’établissement qui les a faites et employées au mieux de ses intérêts, chacun s’ingénie à dépenser le moins possible. Les sommes mises en réserve servent à payer des dépenses qui tôt ou tard retomberaient à la charge du budget. En outre, des dons et des legs viennent enrichir des établissements doués de la capacité civile. Les services sont ainsi mieux gérés et à moins de frais. Mais pour que ce système puisse fonctionner avec succès, une condition est nécessaire. Il faut que l’autonomie des établissements soit garantie par l’institution d’un conseil plus ou moins indépendant chargé d’exercer sur leur administration une action vigilante et un contrôle rigoureux. Ce régime est celui des établissements hospitaliers et de bienfaisance. La Caisse des dépôts lui doit le crédit exceptionnel dont elle jouit ; il a été récem-

  1. Les comptes du Trésor comprennent encore, en vertu de lois antérieures, d’autres services spéciaux créés en dehors des budgets et alimentés par les ressources de la dette flottante. On peut notamment citer les subventions et avances à la Caisse des chemins vicinaux et à la Caisse des établissements scolaires, les avances à des compagnies maritimes, etc. Plusieurs comptes spéciaux ont disparu récemment ; le compte ouvert à l’Exposition universelle de 1878, qui a été soldé au moyen des ressources du budget ; le compte des prêts à l’industrie autorisés par la loi du 1er août 1860 et le compte des avances pour l’emprunt grec de 1833, dont les soldes ont été inscrits parmi les suivantes du Trésor.
  2. Plusieurs services ont successivement disparu de la liste des budgets annexes. Nous citerons notamment le service colonial dont le budget a cessé, en 1856, d’être rattaché au budget général, la Caisse de la dotation de l’armée supprimée en 1868, enfin le service des chancelleries diplomatiques et consulaires dont les recettes et les dépenses sont maintenant incorporées dans le budget, en vertu de la loi du 29 décembre 1876.

    Parmi les budgets annexes, celui de la Caisse d’épargne postale est le seul qui capitale ses excédents de recette.