Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 1.djvu/274

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ment appliqué aux chemins de fer de l’État il le serait sans doute à la Caisse des musées, si elle venait à être créée. A la condition d’être employé avec mesure et discernement, il peut donner d’utiles résultats. . Du budget extraordinaire. Budgets extraordinaires de la guerre et de la paix budgets de liquidation. Budgets faussement qualifiés d’extraordinaires. Différents modes d’établissement des budgets extraordinaires. Crédits extra-budgétaires en Belgique.

De toutes les dérogations à la règle de l’unité, la plus grave comme la plus fréquente est celle qui consiste dans l’ouverture d’un budget extraordinaire. Ce nom ou celui de budget sur ressources extraordinaires qui lui .a succédé dans notre langue officielle a été appliqué à des objets très divers. Quand le traité qui met fin à une guerre attribue à la nation victorieuse, en manière de dépouilles opimes, des contributions et une indemnité de guerre imposées à la nation vaincue, il est naturel que les deux États prennent des dispositions spéciales, l’un pour régler l’emploi des ressources que la victoire lui apporte, l’autre pour établir le compte de ses pertes et déterminer les moyens de les réparer. On ne peut reprocher à Napoléon d’avoir constitué un Domaine extraordinaire à l’aide des tributs que ses armes victorieuses imposaient à l’Europe ; on ne peut davantage lui reprocher d’avoir fait un mauvais 1 usage de ces ressources, puisqu’il apportait dans leur gestion l’esprit d’étroite surveillance et de rigoureuse économie qui a caractérisé toute sa politique financière. On peut seule- a ment regretter, à un point de vue théorique, 1 qu’il ait disposé seul et sans le concours des d représentants de la nation de ces millions qui d étaient le prix du sang français 1. A l’inverse, p Ja Restauration et, après elle, l’Assemblée il nationale de 1871 ne sauraient être blâmées pour avoir créé l’une, le budget extraordinaire v de 18162, l’autre, le compte de liquidation de 1872, destinés tous deux à la triste tâche de solder les charges de l’invasion. si Il existe une autre catégorie de budgets aj extraordinaires ce sont ceux qu’on a appe- h lés les budgets extraordinaires de la paix et m qui méritent doublement ce nom, d’abord m parce qu’ils sont créés en vue des besoins ql 1. Mollien, dans ses Mémoires, t. 111, p. 457 et suivantes constate l’impopularité qui s’attachait au Domaine extraordinaire. Tout en défendant Napoléon contre les accusations injustes dont son administration était l’objet, il fait du sys- or tème lui-même une critique fort juste. . « Le budget extraordinaire comprend les charges extraordinaires résultant des traités et conventions du 20 novembre et les recettes extraordinaires destinées à les acquitter. » (Loi du 28 avril 1816, art. 17). de de la paix, ensuite parce qu’ils supposent que la paix durera toujours ou qu’elle est assurée pour longtemps. Le rôle de ces budgets, alimentés par des fonds d’emprunt, est de fournir les ressources nécessaires pour perfectionner, compléter et refaire l’outillage matériel du pays. Ils sont employés à construire des routes, des canaux, des ports, des chemins de fer. L’idée sur laquelle ils se fondent est que les générations futures doivent supporter les charges de dépenses dont elles sont appelées à profiter autant et plus que la génération présente théorie qui n’est pas complètement juste, puisque les ouvrages créés ne doivent avoir, en général, qu’une durée limitée et qu’on fait ainsi peser sur l’avenir une charge perpétuelle en échange d’un service temporaire Mais, si le principe est contestable, c’est surtout dans l’application que se révèlent ses dangers. M. d’Audiffret, au Sénat du second Empire, qualifiait le budget extraordinaire de budget du luxe national. Les dépenses de luxe entraînent les États, comme les particuliers, sur le chemin de la prodigalité. On commence par emprunter tout ce qu’on peut emprunter ; puis, les appétits étant surexcités par l’aliment qu’on leur donne, on arrive à dépenser plus qu’on n’a emprunté ; on ne s’arrête pas aux travaux qui peuvent rendre de vrais services ; on entreprend des ouvrages d’une utilité plus que douteuse, sans songer qu’on lègue à l’avenir, avec des charges d’emprunt, des dépenses d’entretien et d’exploitation qui ne sont guère moins onéreuses. Les emprunts succèdent aux emprunts et, les mécomptes aidant, on se trouve, à la fin, bien loin de la limite qu’on s’était tracée à l’origine. On a dissipé l’épargne de la nation et les réserves de son crédit pour ce que Montesquieu appelle des besoins imaginaires. « Les besoins imaginaires, dit-il, sont ce que demandent les passions et les faiblesses de ceux qui gouvernent, le charme d’un projet extraordinaire, l’envie malade d’une vaine gloire et une certaine impuissance d’esprit contre les fantaisies » Et, un peu plus loin, Montesquieu. ajoute : « Il n’est pas inouï de voir des États hypothéquer leurs fonds pendant la paix même et employer, pour se ruiner, des moyens qu’ils appellent extraordinaires et qui le sont si fort que le fils de famille le plus dérangé les imagine à peine ». D’autres fois, le budget extraordinaire sert à marquer une séparation avec un passé dont on établit la liquidation. Tel a été le but 1. Cette considération justifie le système d’emprunts amortissables par annuités créé par la loi du ti juin i8i8. L’accueil peu favorable que les nouvelles rentes ont rencontré le la part du public ne détruit en rien la justesse de l’idée,