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On procède ainsi en vertu de traditions. L’avantage que les représentants de la Grande-Bretagne trouvent à se réunir en comités, c’est celui d’une liberté plus grande. En séance, le règlement veut que chacun ne parle qu’une fois. En comité, le même membre peut prendre plusieurs fois la parole et donner à ses observations un tour plus familier. De plus, lorsque la Chambre se forme en comité, le président proprement dit ou speaker cède le fauteuil au chairman, président spécial. Tous deux sont nommés par la Chambre, mais la nomination du speaker est confirmée par la Couronne. Cette différence seule fait considérer le chairman comme une émanation plus directe de la Chambre ; il a d’ailleurs le droit d’intervenir dans les débats. Tous les membres de la Chambre peuvent être présents et les hommes compétents de tous les partis ne manquent pas de suivre les discussions des comités et d’y prendre part.

Dans le comité des supply, les estimates ou budgets des services militaires, maritimes et civils sont examinés avec le plus grand soin. Les bills sont mis en discussion article par article (clause by clause) puis soumis au vote. Après la clôture des débats en comité, la séance ordinaire reprend son cours et les dépenses critiquées par la majorité des membres font l’objet d’un Rapport spécial du chairman à la Chambre, qui adopte le bill, le rejette, l’amende ou le renvoie au comité. Cet examen des dépenses par les Communes ne demande guère moins de quatre mois.

C’est à la première séance du comité des voies et moyens que le Chancelier de l’Échiquier fait son exposé. Ce comité attend pour se constituer que le Chancelier soit prêt, – ce qui n’a généralement lieu qu’au commencement d’avril, c’est-à-dire à l’ouverture de l’exercice. Cette séance exceptionnelle, dite du budget, à la différence des autres séances du comité, attire généralement une grande affluence. La discussion s’ouvre immédiatement après la déclaration du gouvernement. Il n’est pas d’usage de remettre chaque année en question l’ensemble de la législation fiscale, mais seulement le petit nombre de points visés parle discours du Chancelier. La procédure suivie est la même qu’en matière de crédits. Le tax bill ou loi modificative des recettes est promulgué immédiatement après la clôture de la discussion ; il précède ainsi l’acte d’appropriation.

Ce dernier acte, après avoir passé par les trois lectures, est envoyé à la Chambre des lords qui le vote, puis le renvoie aux Communes ; car à la différence des autres bills, c’est la Chambre élective qui en a la garde. Il revient ensuite, porté par le speaker, à la barre de la Chambre des lords, pour y recevoir, comme les bills ordinaires, mais avant eux, la sanction royale. Celle-ci peut être donnée soit par le souverain en personne soit par délégation ; la tradition veut que la formule solennelle de l’acceptation soit en français du xve siècle. « La royne remercie ses loyal subjects, accepte leur bénévolence et ainsi le veult ».

La simplicité de cette procédure offre de sérieux avantages. Toutefois, au gré de certains Anglais, elle entraînerait trop de lenteurs. Un ancien directeur de la Trésorerie, M. Henri Fowler, écrivait au Times le 18 janvier 1888 : « Dans le système actuel, la Chambre a toujours chaque année quatre et quelquefois cinq occasions distinctes de discuter les dépenses de l’État : 1° Les votes provisoires (votes on account) ; 2° les votes ordinaires en comité des subsides ; 3° l’approbation de ces votes quand ils viennent devant la Chambre ; 4° le bill d’appropriation ; 5° les crédits supplémentaires, quand il y a lieu d’en demander. Chacune de ces étapes financières prend un temps considérable et, au point de vue du contrôle et de l’économie, le résultat est des moins satisfaisants[1] ».

Nous avons déjà indiqué les principales règles de la procédure suivie aux États-Unis. Elle n’a guère qu’un trait commun avec la procédure anglaise. Les bills élaborés par les comités permanents sont examinés par la Chambre en comité général, sous la présidence du chairman, avant d’être discutés en séance ordinaire. Dès qu’un bill a été voté par la Chambre des représentants, il est envoyé au Sénat qui le discute à son tour, après l’avoir référé à une de ses commissions permanentes. Si le bill envoyé par les représentants est adopté sans changement, il est adressé par le Sénat au Président. Celui-ci peut, comme pour tout autre bill, refuser sa signature. S’il oppose son veto, il doit renvoyer le bill à la Chambre des représentants. Pour que le bill obtienne force de loi malgré lui, il faut un nouveau vote des deux Chambres à la majorité des deux tiers des membres présents.

Dans l’empire d’Allemagne et en Prusse, il n’existe pas de règles fixes. Tantôt le budget vient en discussion devant la Chambre, sur le Rapport de commissaires isolés nommés par le président ; tantôt il est d’abord examiné par des commissions d’un nombre variable de membres, dont les délibérations portent soit sur le budget entier, soit sur un certain nombre de questions déterminées.

En Autriche, la commission du budget est

  1. Renseignements extraits du Bulletin de statistique publié par le ministère des finances. Livraisons de mai 1877 et de juin 1888.