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ne sont plus en usage dans un grand nombre de communes.

Dans l’intérêt de l’agriculture, si l’on se bornait à cet unique désidératum, la réfection même de la partie géodésique serait urgente et indispensable ; elle viendrait au moins en aide au crédit agricole en lui donnant une base solide et stable.

Avant 1850, le cadastre a été renouvelé dans 2000 communes environ ; à peine était-il achevé pourtant que les changements survenaient, à mesure qu’on le constituait. Depuis, le sol de la France a subi d’immenses transformations : des fabriques, des usines, d’autres établissements industriels ont été construits. Des routes, des canaux, des chemins de fer ont été créés ; des landes, des bois ont été défrichés ; des marais ont été desséchés ; de nouvelles méthodes, de nouveaux procédés de culture ont été introduits. Certaines contrées ont vu leur situation agricole se perdre, d’autres s’améliorer.

Si une terre a eu la bonne fortune d’être cadastrée dans les premiers temps, son revenu est fixé à 5 francs et son impôt foncier à 0 fr. 10 c. Si elle n’a été cadastrée que dans les derniers temps, son revenu a été fixé à 100 francs et son impôt est de 8 francs, alors qu’elles sont de revenu et de valeur identiques. Des différences existent en sens contraire.

Cette inégalité est depuis si longtemps reconnue que, dès le 15 mai 1818, une loi ordonna des recherches pour rectifier la répartition qui fut prescrite le 31 juillet 1821. Depuis près d’un siècle, les plaintes sont unanimes dans la presse, les sociétés savantes, les conseils généraux, les assemblées politiques, sur l’état défectueux du cadastre. Dans la session de 1862 du conseil général du Pas-de-Calais, l’administration déclarait qu’il lui était impossible d’opérer les mutations dans 185 communes de ce département. L’enquête agricole de 1866 révélait d’aussi graves erreurs dans bien d’autres départements. M. Durand, percepteur à la Ferté-Alais, déclare que, « dans un exercice de vingt ans, sur 12,000 mutations, il avait rarement trouvé un titre d’accord avec les contenances cadastrales ». Il résulte des recherches de M. Riché, conseiller d’État, rapporteur du projet de loi sur la diminution des frais dans les ventes judiciaires que, sur 14,106,000 cotes foncières imposées en 1866, 812,000 ne sont pas imposées au nom des vrais propriétaires. Et encore est-il probablement modéré. De là suivent, ajoute-t-il, de longues formalités dans les procédures d’ordre et de saisie, et la distraction de plus de 1/20 des biens qui y sont injustement compris.

Et cet état de choses ne fait que s’aggraver avec les millions de changements de parcelles qui s’opèrent chaque année, et qui n’exigent pas moins de quinze formalités !

« Les titres, disait M. Bonjean au Sénat, sont presque tous incomplets, irréguliers. La possession est en faveur de l’homme de mauvaise foi et actif contre l’honnête homme négligent… L’hypothèque, comment peut-elle avoir une base certaine, sur une parcelle qui n’a pas d’identité ? »

M. Bonjean disait encore devant le Sénat, le 6 avril 1866, que le territoire de la France, composé de 52 millions d’hectares, était divisé en 143,070,558 parcelles, dont 8,438,760 propriétés bâties ; l’impôt réparti en 14,028,000 cotes foncières, acquittées par 8,839,640 propriétaires, 49,325,514 hectares appartenant à la propriété privée, le reste à l’État ; qu’il y avait à peine 60,000 propriétaires dont la cote foncière fût de 300 francs de principal et au-dessus ; que ceux dont la cote dépassait 1,000 francs se comptaient par centaines, ceux qui payaient de 800 francs à 1,000 francs ne représentaient que quelques milliers ; que la très grande majorité acquittait entre 300 et 500 francs de contributions. Cette moyenne ne s’est-elle pas abaissée aujourd’hui ?

Quant à la petite propriété, elle comptait 7,517,000 propriétaires. Sur ce nombre, 3 millions étaient exempts de contribution personnelle. Les 4,500,000 autres étaient surtout répartis en petites cotes de 1 à 50 francs. Combien ces constatations sont intéressantes ! À d’aussi nombreux petits propriétaires, ne doit-on pas le bienfait d’un bon cadastre, c’est-à-dire d’un titre certain de la propriété ?

Dupin aîné affirmait qu’avec notre législation « en achetant on n’est jamais sûr d’être propriétaire, en payant on n’est jamais sûr d’être libéré, en prêtant on n’est jamais sûr d’être remboursé ».

Tout en tenant compte de l’exagération de cette formule, on peut dire que le crédit foncier est aisé seulement pour une grande propriété qui peut se constituer un titre.

L’erreur d’origine s’est pourtant perpétuée. On n’a pas voulu voir les vices du système, et voici la solution, que l’administration du cadastre fit prévaloir en 1837, lorsque la question fut soumise à une commission spéciale par le ministre des finances « La commission n’a point pensé que le cadastre pût remplacer les titres de propriété et devenir ainsi la base d’un nouveau régime hypothécaire. Le cadastre ne décrit que des faits existants, il constate la possession et ne constitue pas le droit ».

Si l’on ne s’occupe même que de la ques-