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DE NAVIGATION 15 ACTE DE NAVIGATION ) et créant à la marine anglaise un monopole et de ruiner la marir

(1651-1660) et créant à la marine anglaise une situation privilégiée.

L’Acte de navigation a été abrogé en 1849 son étude ne présente donc plus qu’un intérêt historique ; mais le rôle qu’il a joué dans l’histoire politique et économique de l’Angleterre, son influence sur la législation des autres pays lui marquent une place dans ce Dictionnaire.

Nous allons donc, après avoir rappelé som.mairement ses origines et son objet, l’étudier dans ses dispositions essentielles et dans les altérations qu’il a subies. Nous nous demanderons ensuite s’il a eu pour l’Angleterre les heureuses conséquences qu’on s’en était promises.

2. Origines et objets de l’Acte de navigation. On trouve le germe de l’Acte de navigation dans plusieurs règlements maritimes rendus sous les rois antérieurs à la première révolution d’Angleterre. C’est à Cromwell, pourtant, que l’on attribue généralement son établissement. Sous le protectorat de Cromwell, le Long Parlement rendit en 1650 un premier Statut, interdisant aux navires étrangers le commerce avec les colonies anglaises, à moins qu’ils n’eussent obtenu une licence du Conseil d’État. Cet Acte, conçu dans des vues assez étroites, avait pour objet d’atteindre les habitants des îles à sucre, qui, tenant pour CharlesII, résistaient au Parlement. Il mettait obstacle au commerce lucratif que ces colonies faisaient avec les Hollandais et affaiblissait ces derniers, rivaux redoutés de la marine anglaise. L’année suivante, la prohibition fut étendue au commerce avec la métropole par l’Acte de 1651. Les auteurs ne sont pas d’accord sur l’objet de ce nouveau Statut. Plusieurs écrivains ont prétendu qu’il avait principalement pour but de mortifier les Hollandais, qui avaient méprisé l’alliance de Cromwell. Si l’on en croit au contraire Rapin-Thoiras, l’Acte de navigation fut voté par le Parlement dans le dessein de perdre Cromwell. Dans les prévisions du Parlement, il était destiné à amener une guerre maritime avec la Hollande. On devait trouver ainsi dans la nécessité d’augmenter les forces navales, tout en ménageant les ressources du pays, un prétexte à licencier l’armée de terre, principale force de Cromwell. D’après David Hume, la guerre devait surtout servir de dérivatif aux agitations intérieures. Quoi qu’il en soit, ces raisons n’existaient plus lorsque l’Acte de 1660, rendu sous la première année du règne de Charles II, fut substitué aux deux Statuts primitifs. Le but avoué et reconnu de l’Acte nouveau était d’encourager la marine britannique, en créant à son profit

un monopole et de ruiner la marine hollandaise, alors la première du monde. Voyons par quelles dispositions on atteignait ce double but.

3. Analyse de l’Acte primitif.

L’Acte de navigation de 1660 se rapporte à 5 objets différents, classés habituellement de la manière suivante

1° Le cabotage ; 2° La pêche ; 3° Le commerce avec les colonies ; 4° Le commerce avec les pays d’Europe 5° Le commerce avec les pays hors d’Europe.

Le cabotage était réservé aux navires anglais. La pèche restait libre, mais les produits de la pèche étrangère étaient frappés d’un double droit.

Le commerce avec les colonies anglaises et des colonies entre elles était réservé aux seuls navires anglais. Ce n’était que l’application du principe généralement admis à cette époque qui excluaitles étrangers de tout commerce avec les colonies. La législation anglaise était même à cet égard plus libérale que la législation française ; à la différence de celle-ci, elle accordait aux colonies une sorte de réciprocité.

En ce qui concerne le commerce avec les pays d’Europe, l’Acte de navigation décidait que les produits européens ne pouvaient être importés en Angleterre que sous le pavillon anglais ou sous celui du pays de provenance ou d’expédition appelé, par abréviation, pavillon de la puissance. Cette prohibition n’était pas générale, l’exclusion des tiers était restreinte à un certain nombre de produits, appelés depuis articles énumérés d’Europe ou marchaI/dises énumérées. Ces produits, au nombre de 18 dans l’Acte de 1660, étaient ceux qui offraient à la marine anglaise le fret le plus avantageux. L’énumération de ces articles et leur nombre furent modifiés plus tard. Dans les Actes de 1825 et de 1845, on en trouve 28.

En fait, les importations furent presque toutes faites par navires anglais. Car la Hollande, seule puissance qui eût alors une marine importante, n’était pas un pays de production, et les pays qui auraient pu exporter en Angleterre des produits nationaux n’avaient qu’une faible marine marchande. La France, notamment, ne possédait en 1661 que 200 navires. D’ailleurs, le « pavillon de la puissance » n’était pas traité sur le même pied que le pavillon anglais. L’Acte de navigation trouvait sur ce point son complément dans le bill des droits ou tarif des droits de 1652, en vertu duquel les importations sous pavillon étranger, quel qu’il fût, étaient frappées d’une surtaxe constituant le plus


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