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qui est, non seulement le signe de toutes les valeurs, mais en quelque sorte aussi le wagon qui les transporte. Quelle que soit l’augmentation de ce métal, l’augmentation des affaires est encore plus considérable.

Ce qui détermine les crises commerciales et monétaires, c’est la demande excessive du capital disponible. Du reste, le commerce et l’industrie ne sont pas seuls à absorber le capital ; la Bourse en absorbe aussi. Il y a la dette publique, les chemins de fer, les obligations foncières, communales et départementales du Crédit foncier, les sociétés étrangères, anonymes, de crédits mobiliers, de banques, etc., les emprunts des États étrangers, sans compter les travaux communaux et départementaux. Il faut tenir compte aussi de l’augmentation de la dette des États-Unis.

En somme, les États qui empruntent, les villes qui construisent, les sociétés qui spéculent, la Bourse qui joue, l’industrie qui fabrique, l’agriculture qui produit, le commerce qui trafique, tout le monde enfin demande le capital.

C’est de ce drainage que résultent le haut prix de l’or, la nécessité d’élever le taux de l’escompte.

Toutes les grandes entreprises font sortir beaucoup d’argent de France ; elles en rapportent aussi, cela est certain, mais ce résultat n’est pas immédiat, et les crises surviennent parce qu’on n’a pas le temps d’attendre que le retour se fasse des pays étrangers par suite du mouvement ordinaire des affaires. À un certain moment, l’équilibre est rompu et la souffrance éclate.

En outre il y a des pertes. La perte sèche pour le capital français exporté depuis une douzaine d’années est de 1 milliard cent soixante et onze millions environ, sur six milliards qui sont sortis en numéraire pour entreprises et emprunts du dehors.

Quelle a été la part des sociétés anonymes dans les crises commerciales et monétaires ? Elles ont été le pivot d’un grand mouvement elles ont permis de rassembler les capitaux nécessaires aux vastes opérations. Mais le principe de la non-responsabilité favorise l’esprit d’aventure et les entraînements.

La concurrence, la solidarité, les pertes, les événements, les fautes : voilà la cause des révolutions commerciales et monétaires. Voilà ce qui fait que l’argent est cher.

Fallait-il, en 1864, nier le véritable prix de l’or ? Fallait-il pousser l’Europe à s’approvisionner en France de cet or nécessaire à notre pays et qu’elle eût payé moins cher que chez elle ?

En résumé, la Banque de France, chargée par l’État de l’émission fiduciaire et de l’escompte des effets de commerce, a toujours conservé, dans la fixation du taux de cet escompte, la préoccupation du devoir public à remplir.

Ses opérations, escompte, avances sur titres et lingots, dépôts, etc., c’est la loi qui les lui impose ou qui lui en donne la faculté, exprimant par là qu’elle désire que ces opérations ne soient pas repoussées. Le capital de la Banque est placé et considéré comme le fonds de garantie, parce que le gouvernement l’a jugé ainsi utile. Il y a plus de soixante ans que l’État, en confiant à la Banque l’émission de la monnaie fiduciaire et le soin du crédit, a signé avec elle un contrat dans lequel il a formulé les droits et les devoirs de la Banque. Celle-ci n’a failli à aucune de ses obligations.

Telle est, dans son ensemble, la déposition si importante de M. Rouland.

Si l’on veut se faire une idée générale de cette vaste enquête, de toutes les idées qui ont été émises par les divers déposants, et si le temps manque pour étudier à loisir les opinions émises par les uns et les autres, c’est au rapport de M. de Lavenay qu’il faudra recourir. C’est une analyse très systématique et fidèle d’un nombre considérable de documents. Nous la prenons pour guide dans ce qui suit.

Les premières questions adressées aux déposants furent relatives à la cause de la crise de 1863 à 1864. La première cause consisterait dans les énormes exportations de numéraire qui ont été occasionnées par la guerre d’Amérique, par la maladie des vers à soie, par l’achat de cotons et de soies brutes dans les régions de l’Orient qui ne restituent pas ou presque pas les métaux précieux qu’elles absorbent. La seconde cause se rattacherait aux faits économiques qui se sont succédé depuis 1852. D’abord, les épargnes accumulées ont largement alimenté la circulation, mais peu à peu les réserves se sont immobilisées, les profits se sont nivelés, le pays s’est vu réduit à la mesure de son épargne ordinaire et annuelle. Il est même venu un moment où l’épargne nationale s’est trouvée engagée pour des versements ultérieurs, et à ce moment la crise a éclaté.

Les crises se manifestant principalement par une hausse plus ou moins considérable du taux de l’intérêt, on a demandé quelles étaient en général les causes régulatrices de ce taux. Étant donné que la législation fixe le taux légal, tant en matière commerciale qu’en matière civile, il ne saurait être ques-