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prix proportionnelle au poids des fromages qui ont reçu sa marque personnelle le jour de la fabrication pour son compte, déduction faite de la part y afférente des frais généraux. Ce système de fabrication est en particulier défavorable aux petits propriétaires qui sont obligés d’attendre longtemps leur tour de fabrication et leurs premières recettes.

Aussi adopte-t-on de plus en plus un autre mode de fabrication plus rationnel. C’est la société qui devient propriétaire des produits fabriqués ; les pertes subies, totales ou partielles, lui incombent. Il se produit simplement une diminution dans les bénéfices, diminution qui apparaît au moment de la répartition. Ce règlement se fait proportionnellement à l’apport en lait de chaque sociétaire. Les produits accessoires, beurre, petit-lait, crème, séret, sont également vendus au compte de la société, et le prix en est réparti comme celui du fromage. Quelques essais d’un troisième mode de fabrication ont été tentés à Vuillafans et à Àrc-Senans (Boubs). Les sociétaires vendent lenr lait à des laitiers ou entrepreneurs de laiterie, ainsi que cela se pratique dans une partie de la Suisse. L’entrepreneur assume alors tous les risques et les associés évitent toute chance de perte, et tout souci relativement à la fabrication. Ce système ne paraît pas faire de progrès. Et nous pensons qu’il n’y a pas à le regretter, parce que le principe coopératif disparaît, parce que l’intermédiaire, le laitier, comme tout entrepreneur, prend le plus grand bénéfice possible aux dépens des associés. D’ailleurs, la question des risques reste secondaire dans les fruitières bien organisées.

La vente des produits se fait en bloc ou par grandes quantités au moins annuellement, ou par semestre ou par trimestre. A cette vente doivent toujours être convoqués les deux plus forts sociétaires. Mais chaque sociétaire a traditionnellement le droit de distraire de la vente, et seulement pour sa consommation, un ou deux fromages, suivant l’importance de son apport, parmi ceux qui portent sa marque. Le prix de la vente est réparti entre tous les associés le dimanche qui suit chaque livraison. — On emploie encore dans certaines fruitières la vente au confront, c’est-à-dire à un prix qui ne sera déterminé que par les marchés à intervenir entre un ou plusieurs acheteurs et les deux ou trois sociétés fruitières désignées pour servir de confront. Ce mode de vente prête plus que l’adjudication simple à la collusion et à la fraude, de la part des acheteurs surtout. Les gérants ont la police de la fruitière, peuvent prononcer des amendes et jusqu’à l’exclusion d’un membre pris en fraude. Ils sont également investis des fonctions d’arbitre : ils jugent les litiges qui naissent dans l’association. Leur rôle est particulièrement délicat, car dans la plupart des cas, ils sont à la fois juges et parties ; on se plaint cependant bien rarement de leurs décisions. La fruitière est une sorte d’institution patriarcale ; elle rend les plus grands services aux régions où elle s’est propagée et on ne peut qu’approuver l’administration des efforts qu’elle fait pour la répandre dans le plateau central et dans les Pyrénées.

François Bernard.

Bibliographie.

Claudeus Nodrey, La question laitière, Paris, 1890- — M, Goyétjikt, Traité sur les fromageries, Paris, 1 870. — H, Teipard, Les associations fruitières dans l’est de la France, Paris, 1890.

LA RIVIÈRE (Paul-Pierre Le Mercier de), l’un des principaux physiocrates, celui que Quesnay regardait, au dire de M me du Hausset, comme « l’homme du plus grand génie et le seul propre à conduire les finances », est né en 1720. Après avoir fait de profondes études en droit, il acheta en 1747 une charge de conseiller à la première chambre des enquêtes du parlement de Paris et fut mêlé activement aux querelles qui s’élevèrent à cette époque entre la magistrature et la cour ; à deux reprises, lors d’un enlèvement de minutes opéré au Châtelet par le grand conseil, puis en 1757, après la tentative faite par les parlements pour s’ériger définitivement en pouvoir politique, il fut un de ceux qui contribuèrent au succès des arrangements préparés par le ministère. Pour l’en récompenser et en raison aussi de ce qu’il avait parmi ses collègues la réputation d’être très versé dans les questions financières et commerciales, M me de Pompadour et l’abbé de Bernis lui firent rembourser le prix de sa charge et le firent nommer « intendant de justice, police, finance et marine dans les îles françaises du Vent de l’Amérique ». L’ordre de départ parvint à La Rivière à la fin de 1758 ; quoiqu’il fût malade, il s’embarqua aussitôt et parvint le 8 mars à la Martinique ; il y trouva tout en désordre ; la colonie venait d’être assiégée par les Anglais, elle était sans vivres, sans armes, sans argent, et il était impossible d’emprunter au nom du roi, car les traites de la marine ne se payaient plus. La Rivière souscrivit des billets hypothéqués sur ses biens personnels et se procura ainsi des fonds à l’aide desquels il acheta des denrées, reconstitua les approvisionnements et ramena la confiance chez