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tement du commerce, département de la justice, département des finances, bureaux des impositions ; et, en même temps, il adressait à plusieurs habitants russes ou étrangers l’invitation de lui apporter leurs titres pour obtenir les emplois dont il les croirait capables.» L’impératrice serait arrivée sur ces entrefaites et aurait tiré le législateur de ses rêves. «Je m’entretins, dit-elle, deux ou trois fois avec lui de son ouvrage sur lequel j’avoue qu’il me parla fort bien, car ce n’était pas l’esprit qui lui manquait. La vanité seule avait momentanément troublé son cerveau. Je le dédommageai convenablement de ses dépenses. Nous nous séparâmes contents ».

D’après d’autres récits, Catherine aurait été froissée de deux choses. En premier lieu, La Rivière s’était fait attendre ; il s’était arrêté à Berlin, en raison de son état de santé, et n’était arrivé à Moscou, au mois d’octobre 1767, qu’après le départ de la tsarine. En second lieu, celle-ci comptait trouver un sujet docile qui, disgracié en France, n’était pas fâché de s’expatrier et d’avoir une protectrice à l’étranger ; elle rencontra un patriote qui, dès la première entrevue, lui déclara net qu’il ne comptait nullement rester en Russie. Ne dut-il pas suffire d’ailleurs à l’un et à l’autre de quelques instants de conversation pour s’apercevoir que le despotisme légal de La Rivière ne pouvait être celui de l’éminente autocrate ? L’économiste était venu en Russie, en rêvant d’y établir la liberté individuelle et en croyant à la sincérité des intentions de la tsarine ; dès qu’il se fut aperçu qu’il lui serait impossible de faire pour l’humanité ce qu’il s’était proposé, il prit le parti de se retirer « encore que pour le retenir l’impératrice lui eût offeri, une grosse pension, une place dans son ministère et des décorations ».

L’insuccès du voyage de La Rivière fit redoubler les plaisanteries contre le despotisme légal ; l’auteur de Y Ordre naturel et essentiel garda cependant longtemps encore une grande réputation comme publiciste ; les confédérés de Pologne lui demandèrent en même temps qu’à Rousseau et qu’à Mably un projet de constitution ; il le produisit, mais en s’efforçant d’atténuer ce qu’il y avait eu d’excessif dans son système. Ses idées autoritaires avaient dû être ébranlées par le spectacle des faits qui s’étaient passés en France. Il y était rentré au mois de juin 1708 et c’est pendant qu’il attendait, pour siéger au parlement comme conseiller honoraire, l’expiration du congé qui lui avait été accordé, que fut accompli le coup d’État Maupeou. Des démarches furent laites alors auprès de LARRÙGA

lui pour qu’il entrât dans le nouveau parlement ; il les repoussa et s’occupa de composer un livre qui n’était pas de nature à plaire au gouvernement de ce temps, V Intérêt général de VEtat, réponse mesurée et concluante aux dialogues de Galiani et qui, par ses qualités mêmes, exaspéra le petit abbé. A l’avènement de Turgot au ministère, l’ancien intendant reprit son siège au parlement et le conserva jusqu’à la Révolution. Il fut appelé à plusieurs reprises à remplir des fonctions importantes au ministère de la marine et poursuivit presque sans interruption ses travaux de publiciste. En 1773, il fit paraître un volume sur l’instruction publique, pour en réclamer le développement ; plus tard, dans une lettre intéressante et conçue dans un esprit très modéré, il prit la défense des économistes contre Mallet-Dupan. Enfin, de 1788 à 1792, il publia un assez grand nombre de brochures sur des questions constitutionnelles ou financières. La plupart passèrent inaperçues ; La Rivière, qu’on avait un moment comparé à Montesquieu, était complètement oublié. Il mourut pendant la Terreur, sans qu’on sache encore dans quel endroit ni à quelle date. La Rivière ne méritait pas sans doute les louanges excessives que quelques-uns lui avaient adressées ; mais ses livres témoignent d’un réel mérite et, au dire de ses contemporains, il était encore plus agréable à entendre qu’à lire. U Ordre naturel et essentiel est un des premiers traités de science sociale qui aient été écrits. Si on veut en avoir un aperçu sans le lire en entier (in-4° de plus de 500 pages), il faut consulter VOrigine et les progrès d’une science nouvelle de du Pont de Nemours (1 er volume des Physiocrates, édition Daire) et surtout la Lettre sur les économistes, écrite par La Rivière en 1787 et reproduite dans l’Encyclopédie méthodique, art. Economie politique.

G. Schelle.

LARRUGA (Don Eugenio de), né à Sara» gosse vers lamoitié du xvm e siècle, se consacra d’abord à l’étude de la philosophie de la jurisprudence, de la littérature et des langues étrangères. Son premier ouvrage fut un catalogue de la richissime bibliothèque de Saînt-Idelfonse où il puisa de vastes connaissances qu’il utilisa, quand il fut appelé à Madrid, par ordre de Charles III, à la tète du département des mines et des monnaies ainsi qu’à celui du commerce et de l’industrie. Il publia, par ordre du roi qui le subventionnait, ses Memorias politicas y economicas sobre los frutos, commercio, fabricas y minas de Espana, Madrid, 1785-1880, 45 vol. in-4o (Mé-