Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/135

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il faut donc en accuser surtout les erreurs accumulées depuis un siècle.

«Le Play signale ensuite les fausses théories d’histoire, l’abus de quelques mots susceptibles d’un sens légitime, mais dont les sophistes abusent, notamment de ceux de démocratie, de liberté, de progrès et, comme pour [justifier sa perspicacité, voici que les socialistes contemporains maudissent la liberté et déclarent que 1789 a été une mystification bourgeoise ! Au milieu de ces idées confuses, il y a trois grandes erreurs qu’il a stigmatisées d’un mot resté célèbre r les Mois faux dogmes de 4789, à savoir : la croyance à la perfection originelle de l’homme ; — l’idée de l’infaillibilité personnelle et le droit permanent à l’insurrection qui en découle ; — la croyance à l’égalité providentielle et absolue des individus sur le terrain des droits concrets.

^ « Ces trois erreurs découlent elles-mêmes d’une erreur fondamentale : la négation de la chute originelle. Ce n’est pas seulemen un d(igme religieux, c’est un fait constaté par le témoignage des traditions anciennes et paj l’observation scientifique ; car il est inscrii ; au plus profond de la nature humaine. Pour (pie la science sociale soit adéquate à son objet, elle doit partir de ce fait primordial, reconnaître que la racine du mal n’est pas dans les institutions, mais dans le cœur même de l’homme, et qu’ii faut incessamment le combattre, d’abord par l’action morale intérieure, puis par l’action des autorisés sociales.

« Après avoir ainsi replacé la science sur sa base, ^e Play démontre que la réforme des mœursj n’est point subordonnée à l’invention de nouvelles doctrines et que l’esprit d’innovation est aussi stérile dans l’ordre moral qu’il est fécond dans Tordre matériel. Il faut en revenir avant tout à la distinction fondamentale du bien et du mal. Elle se trouve dans le Décalogue et l’Évangile, et c’est aux autorités sociales, chacune dans son cercle, aux parents dans la famille, aux patrons dans l’atelier de travail, à l’Église et à l’État, chacun ! dans sa sphère, à faire prévaloir les pratiques du bien. »

Il y aurait bien à faire certaines réserves sur ces 1 théories. Le contentement peut engendre ^ l’apathie et l’inaction ; la complète soumission aux autorités reconnues, l’indifférence ^ l’abdication et même le servilisme ; en mêiJLe temps que le sentiment exagéré de leur rôle peut conduire les autorités au socialisme d’État. Toutefois, il convient de remarquer que chez Le Play, ces idées étaient tempérées par d’autres idées très libérales. Le Pla^ donnait son adhésion à toutes les

LE PLAY

revendications de l’idée économique libérale : liberté du travail, liberté de l’intérêt, liberté des échanges (V. notamment Réforme sociale, ch. xl, § t>; ch. l, § U et 15 : ch. li, 8 4, 5 et 6).

La publication de la Réforme sociale fut suivie d’une série d’études qui, à proprement parler, ne sont que le complément des idées indiquées dans l’œuvre principale. Parmi ces études nous citerons : l’Organisation du travail (1870), la Constitution essentielle de l’humanité (1880), l ’Organisation de la famille ; la Constitution de V Angleterre, en collaboration avecM.Delair.

. La théorie de l’influence de la nature des lieux. ^ Le Play s’est attaché, mieux qu’on ne l’avait fait avant lui, à préciser l’influence des lieux. Il a divisé en trois catégories les territoires sur lesquels l’homme s’est établi : les steppes, les rivages maritimes, les sols variés.

Les steppes, dit-il, ce sont les territoires constitués, selon que leur latitude est plus ou _ moins éloignée de l’équateur, par des plaines ou plateaux dans lesquels la végétation abondante et exclusive des herbes est assurée par l’accumulation des neiges pendant l’hiver. Le principal de ces plateaux est la grande steppe de l’Asie centrale. Elles sont éminemment propres à l’exploitation des troupeaux, à l’existence des nomades pasteurs et à la constitution des famille s patriarcales, c’est-à-dire de familles dans lesquelles tous les enfants restent unis sous l’autorité du père, gouvernant une véritable tribu. Le maintien de cette autorité contribue à affermir dans les familles patriarcales le respect de la tradition, l’organisation du travail de plus n’y comporte pas de perfectionnements. Ce sont les familles patriarcales qui ont donné à l’Orient sa physionomie d’immobilité qui demeurerait inexplicable sans cette cause. ; Les rivages maritimes qui entourent l’Eu- ’ rope depuis le cap Nord jusqu’à l’extrémité de la mer d’Azof, assurent par la pêche des moyens d’existence réguliers. Mais une nouvelle forme de famille y paraît. Ce n’est pas la famille patriarcale, réunissant autour d’elle tous les enfants issus de l’auteur commun, mais la famille souche. Il n’y a plus là qu’un seul ménage comprenant les parents, les célibataires de jeune âge et l’héritier marié. C’est à celui-ci qu’est attribué le patrimoine se composant de l’habitation et ses dépendances, et de la barque, principal instrument de travail. Les rivages maritimes assurent aux familles de pêcheurs- côtiers un domaine aussi inépuisable que la steppe aux pasteurs nomades. Aucune crise ne vient compromet-