Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/146

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des conséquences qu’il a eues sur la pensée moderne de l’Allemagne dans ces matières et en raison de l’influence que le même écrivain a exercée dans d’autres directions. Il semble que tout ce que Rodbertus a écrit sur le système économique des Romains n’a eu d’autre but que de servir de paraphrase à ce morceau. Les observations qu’il y a fait entrer, au cours de sa discussion, à propos des relations des éléments urbains et ruraux dans l’organisation sociale, à propos du paradoxe contenu dans le paragraphe sur la paix et la tranquillité, à propos de l’exploitation des continents excentriques par les centres de civilisation et à propos d’autres questions analogues de moindre importance, sont tout à fait dignes de remarque, parce qu’on y trouve la preuve qu’il a au moins entrevu les phénomènes les plus importants de l’organisation industrielle, phénomènes auxquels s’attache rarement la discussion sociale toujours ramenée à ses ornières accoutumées, et dont l’étude doit être cependant poursuivie avec l’attention et le travail le plus soutenus. Mais en cela pourtant, comme dans beaucoup d’autres matières, le caractère de son génie a été le défaut de règle. Il présente au public l’objet dont nous parlons tout à fait en dehors du foyer de son orbite.

Il se peut qu’un travailleur, vivant dans un des continents excentriques, puisse être mieux placé qu’un autre pour discerner ce qu’il y a de juste dans les observations et d’erroné dans les interprétations que renferment ses discussions. On trouvera plus bas quelques indications à cet égard. Si l’on s’attache à étudier Rodbertus après s’être muni toutefois de sérieux moyens de critique, on peut trouver dans ses écrits des suggestions d’un puissant secours. C’est pourquoi nous les notons ici au passage, et aussi parce que le morceau auquel nous avons déjà fait allusion est très souvent cité comme renfermant une exposition magistrale des maux du libre- échange.

Rodbertus dit (p. 269) : « J’entends par libreéchange non pas l’absence aux frontières de barrières consistanten taxes, nonpas l’établissement sans entraves de rapports de commerce entre les États, ce qui est partout une bénédiction, mais l’absence de toute organisation économique intérieure, l’absence de toute règle légale dans la vie industrielle, dans l’organisation économique. J’entends par là l’usage faitpar chacun des moyens de production qui lui appartiennent accidentellement, selon son propre bon plaisir sans autre limite que celle du code pénal. » Cela dit explicitement ce que cela veut. Rodbertus n’entend pas par libre-échange le contraire du système protecteur et tous ceux qui ont tiré de ses considérations des conséquences au regard de Pantiprotectionnisme se sont évidemment égarés. Ce qu’il a visé c’est l’ensemble des institutions modernes, qu’on embrasse quelquefois sous le nom de libéralisme, qu’elles soient sociales, économiques ou politiques. C’est contre cette idée générale que toute sa polémique est dirigée et, dans bien des endroits, le mot Freihandel (libre-échange) dont il se sert prend un aspect véritablement grotesque. Il concède expressément que c’est une bénédiction que la liberté du commerce. C’est seulement en abusant de l’expression libre-échange dans ses attaques contre la liberté et dans sa défense du socialisme qu’il entre en lutte avec les libre-échangistes. Il ne soulève jamais la question de la liberté du commerce que quand il dispute contre tout ce qui est libre. C’est à ce point de vue extraordinairement agrandi que nous le signalons.

. Dans les derniers écrits de l’école prédominante des économistes allemands, on rencontre une disposition à traiter comme de très peu d’importance la question du libreéchange et de la protection, à s’en moquer comme d’une généralisation abstraite, comme d’un dogme a priori de droit naturel, etc. Il y a une certaine affectation de leur part de n’être d’aucun parti et à trouver des excuses à la protection, tout au moins dans de certaines limites et dans certaines circonstances. Aussi longtemps que les autorités politiques pèseront d’un aussi grand poids sur les études économiques allemandes, aussi longtemps que les écrivains se trouveront exposés à subir les influences administratives d’une autorité politique qui distribue les avancements professionnels après avoir adopté une politique économique positive et agressive et qui regarde avec colère, comme une opposition de parti, toute opposition à cette politique, il sera difficile de se rendre compte de la valeur des ouvrages dans lesquels les économistes allemands traitent ces questions. On peut dire la même chose des écrivains qui ont pris dans Auguste Comte, dans Hegel ou dans tout autre système de philosophie, des dogmes dirigeants à propos des questions sociales. La position prise par les Allemands atteste un défaut de sens moral sérieux et d’esprit scientifique, et cette lacune est pauvrement rachetée par une sentimentalité du type semi-socialistique.

. En fin de compte, nous mentionnerons les fair-éraders anglais. Le nom de cobdenisme