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comme les représentants que reposât la prospérité industrielle et commerciale de l’Allemagne et qu’il n’y eût d’espoir qu’en eux pour maintenir .l’Allemagne à son rang dans le monde industriel.

Dans un petit ouvrage de Kuppener, écrit au commencement du xvi e siècle, nous trouvons les vues les plus éclairées sur les contrats de vente et de prêt. L’auteur s’efforce avec beaucoup d’ingéniosité de concilier ses vues avec le droit canon dont il fait sentir l’immense autorité. Hutten dénonce les marchands dans le langage le moins mesuré, et il exprime évidemment le préjugé féodal qui existait contre eux. Il les accuse d’exporter de For et d’importer des objets de luxe- Luther a beaucoup écrit sur l’usure et sur les principes du commerce. Dans son langage, le mot d’usure s’entend souvent du profit des marchands (Œuvres, LVII, 349 ; XX1IÏ, 334). Tout en admettant que l’achat et la vente sont nécessaires, il dit que le commerce étranger ne devrait pas être autorisé, parce qu’il importe de la soie et des épices pourl’ostentation et non pour l’utilité et qu’il fait sortir l’or du pays. Ce n’est pas chrétien pour les marchands de vendre leurs marchandises aussi cher qu’ils peuvent. Ils devraient les vendre à un juste prix. Vendre plus haut qu’au prix courant du marché sous prétexte de rareté, c’est de la volerie et de l’usure. Il dénonce les monopoles et toutes les formes de contrats de spéculation. Il croit que les compagnies font la cherté. Il dénonce souvent les Fugger et se plaint du luxe. Hans Sachs pense que les marchands et les voleurs sont les uns et les autres sous le patronage de Mercure, parce qu’ils se ressemblent beaucoup. Les marchands ont beaucoup de tours de finance et d’échange. On devient riche, mais en faisant mille pauvres. Les autres réformateurs ne disent rien sur le commerce qui mérite d’être noté. Us ne s’y intéressaient pas à titre de fonction économique mais on peut induire de leur silence qu’ils ne le trouvaient pas immoral. Ce qu’ils disent à trait à l’usure, au contrat à échéance, et aux prêts sur gages.

L’antagonisme des nobles et des paysans contre les marchands a trouvé son expression en Allemagne dans une loi de 1512 contre les accaparements et l’arbitraire des prix ; cette loi bien entendu est restée lettre morte. (Berg.)

Dans la capitulation impériale de Charles-Quint, se trouve un paragraphe contre les compagnies de marchands qui faisaient monter les prix. Il a été reproduit dans la suite des capitulations jusqu’à l’avènement de Joseph IL

Schmoller dit que les cironstances du temps étaient favorables aux ouvriers et que les salaires montaient. Dans la guerre des Paysans, la liste de leurs griefs contient des dénonciations contre les Fugger et les grandes compagnies ; et la demande de limiter le montant du capital que les marchands seraient autorisés à mettre dans leur entreprise. (Oechsle.)

En 1523, une tentative fut faite pour établir un droit impérial d’importation pour tout l’empire ; les nobles en avaient pris l’initiative afin d’augmenter la charge des villes Falke) ; mais les villes réussirent à le faire rejeter. Falke et Schmoller inclinent tous deux à regretter cet échec et pensent que la décadence ultérieure du commerce allemand aurait pu être arrêtée si à ce moment on avait pratiqué une vigoureuse politique impériale. Falke dit que la proposition d’un impôt n’avait été faite ni dans un intérêt fiscal ni dans un intérêt protecteur ; et la raison de la décadence du commerce allemand pourrait être bien plus justement cherchée dans la faiblesse politique de l’empire et dans le défaut d’énergie administrative du gouvernement impérial.

L’Allemagne de la fin du xvr 3 siècle tombait en petits fragments avec des règlements de commerce discordants et hostiles, des péages, des obstructions, des droits d’entrepôt de tous côtés. C’est l’exacte représentation, sur une petite échelle, de ce que serait un monde protectioniste. L’histoire économique de l’Allemagne, de 1600 à 1800, est la partie de l’histoire qui pourrait être étudiée avec le plus d’avantages ; malheureusement c’est celle-là qui est justement la moins connue. L’écrivain dominant de la dernière partie du xvi e siècle en France est Bodin. Il paraît incliner à briser les fers dont la tradition entravait le commerce ; mais les autorités traditionnelles étaient trop fortes pour qu’il en pût venir à bout. Il cite le Lévitique (ch. xix, § 16) : « Tu n’iras pas ici et là comme un marchand au milieu du peuple », traduisant par erreur le mot du texte par celui de marchand tandis qu’il signifie en réalité « médisant ». Il cite aussi Sirach : «A grand peine échappe le marchand qu’il fasse tort à quelqu’un et le revendeur n’est point sans péché. » 11 pense que le commerce est nécessaire pour des villes comme Venise ou quand il procure des choses nécessaires et exporte des superfluiîés. Mais c’est faire une chose vile que d’acheter pour revendre dans le même marché. Le petit commerce est bas, tandis que le grand ne doit point être méprisé. A la fin du siècle nous voyons Henri IV faire des projets pour aider les manufactures