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quent à cet ensemble de problèmes, avec quelques restrictions toutefois indiquées par le bon sens.

. Rôle de l’autorité publique.

Le rôle de l’État et des municipalités est

clairement indiqué. Leur mission est avant tout une mission d’hygiène et de police ; c’est de faire la guerre aux logements insalubres, mais en subordonnant cette action à certaines réserves indispensables.

On ne saurait en tous cas demander à l’État de fournir, soit des logements, soit des aliments gratuitement ou au-dessous du prix courant, sous peine de commettre une injustice vis-à-vis de ceux qui ne participent pas à ces faveurs et sous peine de démoraliseras classes indigentes. Ces aliments et ces habitations à bon marché entraînent une perte pour l’État qui est obligé de recourir à l’impôt pour y faire face. Cette augmentation d’impôts retombe sur toute la nation ; elle pèse très lourdement sur les pauvres. Les subventions de l’État ont en outre un défaut ; elles découragent l’initiative privée, l’industrie des particuliers. Si l’État construit ou fait construire des maisons dont le loyer est plus bas que ne le comportent les circonstances, il entrave la construction privée et obtient un résultat opposé à celui qu’il espé-

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A l’aide d’une surveillance active et énergique des autorités locales, on peut, dit-on, s’opposer à l’existence de logements insalubres, forcer les propriétaires à tenir leurs immeubles dans un meilleur état ; on peut surveiller davantage la construction des maisons neuves, exiger qu’elles répondent à un certain minimum de salubrité. Mais il ne faut pas oublier que, dans beaucoup de pays, les lois et les règlements de police n’ont pas fait défaut. Il ne faut pas perdre de vue que la législation contre l’insalubrité exige, pour être efficace, un appareil compliqué et coûteux d’inspecteurs perpétuellement en mouvement ; que l’application des règlements dépend moins des fonctionnaires ou des magistrats que des habitants eux-mêmes ; ceux-ci sont plus disposés à s’y soustraire qu’à s’y conformer. Si les malheureux habitent^ des greniers, des caves, des recoins sans air ni lumière, dans des maisons mal bâties et mal tenues, c’est parce qu’ils n’ont pas trouvé de meilleures gîtes au prix qu’ils peuvent donner et ils aiment encore mieux loger dans ces taudis que ne loger nulle part.

. Le mal et les remèdes.

Il faut écarter résolument les remèdes héroïques, qui peuvent être pires que le mal, nous voulons dire les formules socialistes. Il n’y a ni formule unique ni panacée. C’est surtout des progrès de l’aisance, de l’éducation morale, de l’instruction pratique des classes laborieuses qu’on doit attendre l’amélioration graduelle des conditions hygiéniques des centres populeux. L’administration peut sans doute faire exécuter des travaux utiles, améliorer l’état général de salubrité parla construction des égouts et en procurant de l’eau à bon marché ; elle peut établir des règles générales pour la sauvegarde de la santé publique, mais il est bon d’y regarder à deux fois avant de faire intervenir l’autorité, au nom du salut public, dans le domaine de la vie privée. Il ne faut pas oublier que toute infraction à la liberté du contrat porte en elle-même les germes de son châtiment. Essayez de protéger l’ouvrier contre l’exploitation du logeur par l’intervention de la loi et vous verrez les conséquences redoutables auxquelles vous vous exposerez. Il est inutile d’insister sur les projets de tarification des loyers par l’autorité locale.

Parmi les moyens les plus efficaces d’agir sur le logement de l’ouvrier, il faut placer l’amélioration des voies de communication, la facilité et le bon marché des transports.

Des résultats satisfaisants ont été obtenus par l’initiative privée, parla construction de maisons modèles, de cités ouvrières. La portion la plus aisée des ouvriers, celle qui a des salaires réguliers, a pu s’y loger en partie, et, par conséquent, c’est autant de personnes de moins pour faire concurrence aux autres.

C’est l’affaire de l’industrie privée, qui y trouve un placement sûr et rémunérateur de ses capitaux, des entreprises philanthropiques, de l’association des ouvriers eux-mêmes, de fournir de meilleurs logements. Si les immeubles affectés à l’habitation des ouvriers rapportent un bon revenu, on est sûr d’en voir le nombre s’accroître. Mais ce n’est que par contre-coup qu’il faut espérer atteindre la lie de l’indigence. Il faut travailler par couches successives : offrir des logements relativement confortables, sains, avec la possibilité, le cas échéant, de devenir propriétaires, c’est s’adresser comme clientèle à l’élite des ouvriers et aux petits employés. Mais la répercussion s’en fera sentir jusqu’au bas de l’échelle.

Un facteur essentiel, c’est lapression salutaire et constante de l’opinion publique. Le progrès doit venir de l’élite des gouvernés agissant par eux-mêmes bien plus que de la machine législative ou de l’action gouvernementale.