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surer une répartition équitable des impôts. Mais l’assemblée des notables était tout entière, sauf sept ou huit de ses membres, composée de privilégiés dont ces propositions, ^ première surtout, lésaientgravement les intérêts. Ils firent une vive opposition à Calonne. Loménie de Brienne se distingua parmi les opposants. Le 30 avril 1787, il était nommé président du Conseil des finances nouvellement créé. Sa réputation d’administrateur ne lui avait pas à elle seule mérité ce poste : il avait su gagner la faveur de la reine.

Aussitôt nommé, Brienne congédia l’assemblée des notables (23 mai 1787). C’était pour plaire à la cour, c’était aussi pour avoir seul le mérite des innovations qu’il préparait. Cette mesure fit mauvais effet. Le bruit courut dans le public que les notables n’avaient pas eu le temps de constater régulièrement la situation des finances, et que le déficit caché était effrayant. Ces bruits étaient exagérés ; mais le déficit existait en effet. Pour le couvrir, Brienne tenta successivement l’emploi de trois moyens : la création d’impôts nouveaux, le remaniement des impôts existants, l’appel au crédit. Il échoua dans les trois tentatives.

°I1 proposa d’abord deux édits bursaux ; le premier établissant un droit de timbre sur les provisions, brevets, commissions d’offices quelconques et sur les actes civils ; l’autre imposant une subvention foncière de 80 millions destinée à remplacer l’impôt des vingtièmes. Le parlement, avant de concourir par l’enregistrement de ces édits à l’accroissement des charges publiques, exigea la communication des tableaux de recettes et de dépenses de l’État. Elle lui est refusée ; à son tour, il refuse l’enregistrement. C’est en cette circonstance qu’un conseiller prononça le mot bien connu : « Ce qu’il nous faut, ce ne sont pas des états de dépenses, ce sont des états généraux ». Brienne, jugeant sans doute que son titre de président du conseil des finances ne lui donnait pas un prestige suffisant pour qu’il pût venir à bout d’une opposition aussi vive, se fit, le 1" août 1787, attribuer le titre de principal ministre d’État. Puis, pour obtenir du parlement l’enregistrement des édits, il emploie les moyens ordinaires, lit de justice, exil. Le parlement tient bon, Brienne cède et retire les deux édits.

° L’impôt des vingtièmes était notoirement mal établi et ne rendait pas ce qu’il aurait du. Brienne tente de le mieux répartir pour en tirer davantage. Un conseiller dénonce au parlement les vérifications clandestines qui se font des vingtièmes. Devant l’opposition du parlement, Brienne abandonne cette seconde tentative.

° Brienne songe alors au crédit. Le roi porte lui-même au parlement convoqué le 19 novembre 1787 en séance royale, un édit autorisant création d’emprunts successifs pour une somme de 440 millions. La séance est tumultueuse, malgré la présence du roi. Le garde des sceaux Lamoignon ordonne, d’autorité, l’enregistrement de l’édit. Son attitude irrite les esprits ; le parlement proteste ; deux conseillers sont emprisonnés, le duc d’Orléans exilé ; l’opinion publique se trouble profondément, et le recours au crédit devient impossible.

Pour apaiser l’opinion et l’endormir, paraît alors, le 18 décembre 1787, une déclaration du roi annonçant la convocation des états généraux pour l’année 1792. Brienne se donnait cinq années pour résoudre les difficultés devant lesquelles il avait échoué jusqu’alors. Cependant, il songe à se délivrer de ses adversaires, les parlements, dont il juge que l’opposition le vise en personne. Pour y arriver, il fait adopter par le conseil du roi une série de mesures tendant à réduire les ressorts judiciaires des parlements en accroissant la compétence des bailliages. En outre, pour enlever aux corporations judiciaires toute action politique, il prépare la création d’une cour plénière, composée de ducs et pairs, de grands officiers de la couronne, d’un certain nombre de maréchaux de France, de lieutenants généraux, de chevaliers des ordres et autres personnes qualifiées, tous nomméspar le roi,des conseillers de la grand’chambre du parlement de Paris et de deux députés de chacun des autres parlements du royaume. Cette cour aurait seule le droit de vérifier et d’enregistrer les lois de police générale, de finances et d’impositions ; elle jugerait en dernier ressort suivant les lois communes à tout le royaume, et prononcerait sur les forfaitures des six tribunaux supérieurs institués sous le nom de grands bailliages. Toutes les mesures utiles à la création de cette cour plénière furent préparées avec le secret qui accompagne la préparation des coups d’État. Mais la malechance poursuivait Brienne. Le conseiller Duval d’Espréménilputse procurer un exemplaire imprimé de l’édit, et dès le 3 mai 1788 il le faisait connaître au parlement. L’émotion fut grande et générale, et dès lors éclatèrent les événements bien connus qui furent le prélude de la Révolution : la résistance des parlements, celle de l’assemblée de la noblesse de Bretagne, celle des trois états de Béarn, et surtout le soulèvement du Dauphiné. Depuis que Brienne occupait le pouvoir, il