après avoir réclamé la convocation des états généraux, prévoyant la Révolution qui allait s’accomplir.
Outre les ouvrages cités, il avait publié de nombreux traités historiques et philosophiques. Après sa mort, on publia plusieurs ouvrages de lui, parmi lesquels les Droits et les Devoirs du citoyen.
Les idées économiques de Mably sont éparpillées dans tous ses ouvrages : elles forment un système complet et font de lui l’un des premiers maîtres du socialisme. Signalons en premier lieu sa querelle avec l’école des physiocrates (voy. ce mot). L’un des disciples de Quesnay, Mercier de la Rivière, avait publié un ouvrage sous le titre suivant : De V ordre naturel et essentiel des sociétés. Mably voulut répondre et il adressa au rédacteur des Éphémérides du citoyen, journal des physiocrates, une série de lettres dont le recueil forme les Doutes proposés aux philosophes économistes sur l’ordre naturel des sociétés.
Communiste convaincu, Mably reprochait aux physiocrates d’avoir pris la défense de ïa propriété et surtout de la propriété foncière. « Dès que je vois la propriété foncière établie, écrivait-il, je vois des fortunes inégaies ; et de ces fortunes disproportionnées ne doit-il pas résulter des intérêts différents et opposés, tous les vices de la richesse, tous les vices de la pauvreté, l’abrutissement des esprits, la corruption des mœurs civiles et tous ces préjugés, et toutes ces passions qui étoufferont éternellement l’évidence sur laquelle cependant les philosophes économistes mettent leur dernière espérance ?» S’indignant contre cette tendance qu’ont les sociétés modernes à tout sacrifier à l’acquisition des richesses, il reproche aux philosophes économistes de ne voir l’homme que « comme un animal qu’il faut repaître et qui n’est occupé que de sa nourriture ». Que ne s’occupent-ils de morale ! « Daignons, dit-il, nous considérer quelquefois comme des êtres intelligents et sensibles que leur intelligence et leur sensibilité réunissent, et nous verrons naître bien d’autres besoins que ceux de l’agriculture. Nous verrons que la justice, la prudence, le courage, nous sont aussi nécessaires que les fruits de la terre. Voyez que sans les vertus sociales, vos campagnes resteront en friche ou seront dévastées... Il faut commencer par avoir d’excellents citoyens. »
Examinons maintenant les théories de Mably dans leur ensemble.
Tout d’abord, il n’est pas sans intérêt de remarquer que certaines des doctrines qu’il professa dans son premier ouvrage font un
— MABLY
contraste complet avec celles qu’il défendit plus tard.
Dans son Parallèle des Romains et des Français (qu’il se repentit dans la suite d’avoir écrit), Mably prenait avec passion la défense de la monarchie absolue ; il vantait le luxe « qui distribue au peuple le superflu des riches, unit les conditions et entretient entre elles une circulation utile » ; il considérait les arts, l’industrie, le commerce, comme des biens réels pour les hommes.
Mais bientôt nous assistons à une éclatante conversion. Ayant approché du pouvoir, ayant pu juger les hommes, Mably devient un misanthrope intransigeant et, par dégoût et défiance du présent, il place l’idéal du genre humain dans le passé. Gomme Rousseau (voy. ce nom), il s’efforce de démontrer que la seule condition de la liberté est dans l’égalité entre tous les citoyens. Plus hardi que l’auteur du Contrat social, il donne le moyen d’établir l’égalité. « Établissez la communauté des biens, et rien n’est ensuite plus aisé que d’établir l’égalité des conditions et d’affermir sur ce double fondement le bonheur des hommes. » C’est, en effet, dans la propriété que toutes les inégalités ont leur source et leur origine ; car si personne ne pouvait posséder en propre, il n’y aurait ni riches ni pauvres. Que peut-on imaginer de plus inique, de plus injuste que ces inégalités ? « La nature n’a-t-elle pas donné à tous les hommes les mêmes organes, les mêmes besoins, la même raison ? Les biens qu’elle avait répandus sur la terre ne leur appartenaient-ils pas en commun ?
Où trouvera-t-on un principe d’inégalité ? Avait-elle établi à chacun un patrimoine
particulier ? Avait -elle placé des bornes dans les champs ? Elle n’avait donc pas fait des riches et des pauvres. Avait-elle privilégié quelques races par des bienfaits particuliers, comme nous voyons que, pour établir l’empire des hommes sur les animaux, elle nous a doués de qualités supérieures ?
Elle n’a donc pas destiné, les uns à
être les maîtres des autres. »
Tous les hommes, selon Mably, naissent égaux par leurs facultés comme par leurs besoins. Originairement, ils possédaient tous, dit-il, le même degré de force, d’intelligence, de sensibilité. Les inégalités que l’on peut observer dans le développement des facultés proviennent de l’éducation. Mably vent donc que l’éducation soit la même pour tous ; elle doit être telle que nos idées ne s’élèvent pas au-dessus de nos besoins, qui ne doivent pas dépasser la limite fixée par nos instincts.
Mais le véritable remède à tous les maux