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et les salaires ? 4° Quelle part leur attribuer dans la condition économique et sociale des peuples ?

Ces diverses questions ont été plus ou moins entrevues, indiquées ou traitées par les divers économistes qui se sont occupés des matières premières et qui ont reconnu, comme l’abbé Baudeau, A. Smith, J.-B. Say, l’élasticité de la formule matières premières. Première question. — On peut encore adhérer à la séparationposéepar l’abbé Baudeau entre les subsistances et les matières premières. Ainsi il est difficile de considérer le blé comme une véritable matière première, quoiqu’il doive subir deux transformations coûteuses avant de servir à l’alimentation. Il en est de même des autres céréales. Le bétail fournit diverses matières premières d’une grande valeur ; néanmoins sa fonction principale est alimentaire. Il est certain que les aliments sont la matière première de la vie humaine ; mais il en est de même de l’eau et de l’air. Il est vrai que, dans les industries où les ouvriers sont nourris, les aliments semblent prendre davantage le caractère de matières premières ; en réalité ils font partie du salaire, ils ne constituent qu’une avance faite aux travailleurs, qu’une forme de leur rémunération. Enfin il y a, à bien des égards, des différences fondamentales entre l’alimentation et les autres besoins de l’homme. L’alimentation conserve un caractère impérieux qui exige de placer dans une catégorie spéciale les produits destinés à la satisfaire. Une sorte de tact du sens commun ne permet pas de comprendre sous la même désignation des biscuits ou des conserves et des madriers de chêne, des fers en massiaux ou des balles de coton.

Deuxième question. — ■ J.-B. Say a donné un exemple saisissant de l’importance de la matière première dans l’industrie. Les manufactures de drap de Verviers ne purent soutenir la concurrence des manufactures anglaises parce qu’elles ne parvinrent pas à empêcher le vol régulier d’une quantité de laine évaluée à 8 p. 100 de la fabrication. Toutefois cet exemple, rapporté par M. Courcelle-Seneuil (Traité d’économie politique, t. I er , p. 107), donnerait certainement une idée exagérée de la fonction des matières premières dans la production. Cette fonction varie pour chaque matière, pour chaque transformation de la matière. Ainsi, le vol ne serait pas aussi dangereux pour le cuivre que pour l’argent et pour l’argent que pour l’or ; il serait plus dangereux pour la soie dont la valeur égale à peu près celle de l’argent que pour la laine. Inutile de multiplier les exemples ; ils varient à l’infini* II est certain que pour un très grand nombre de transformations, la matière première a plus d’importance que la transformation nouvelle sans laquelle la consommation n’aura pas lieu. Tel est le cas des fils de coton n° 600 ; leur valeur est tout autre que celle des fils n° 200. Il résulte de ces considérations que l’application du capital nouveau ou la nouvelle appropriation n’est pas toujours proportionnelle à la valeur du produit et que, dans la production industrielle, comme dans la production agricole, cette application, indispensable néanmoins pour obtenir certaines consommations, n’aura pas des résultats en rapport avec les sacrifices qu’elle exige. Il en est de même pour la terre dont les sols, si différents les uns des autres pour les diverses cultures, ne sont, en réalité, qu’une matière première.

Troisième question. — Cette troisième question se relie immédiatement à celle qui précède. Comment se répartiront, dans la production, la rente du sol, les profits et les salaires, selon ces diverses transformations qui constituent les matières premières ? Adam Smith a abordé indirectement ce problème au chapitre xi du livre I er ; mais l’analyse des éléments des matières premières n’était pas assez avancée de son temps pour qu’il ait .pu suivre le sort de la rente, dos salaires, des profits à chaque transformation. On peut comparer, dans la production agricole, la culture forestière et la grande industrie extractive du charbon de terre. Dans les deux branches, la rente, les salaires, les profits joueront leur rôle ordinaire ; dans les deux branches, d’incessantes transformations pour le bois et pour le charbon réaliseront, au delà de toutes les prévisions, l’échelle graduée de J.-B. Say. Le bois de la forêt servira à loger et à améliorer les vins de Château-Margaux, les extraits de la houille serviront à teindre les plus beaux tissus de soie* Merrains et couleurs pour la teinture trouvent place au premier rang des matières premières. On peut affirmer sur ce point, si important, que dans ces diverses transformations de la matière, la rente, au fur et à mesure de l’application d’un capital nouveau, tend vers son minimum, le salaire vers son maximum et le profit à une moyenne constante. Inutile d’insister quant à la rente. La raison de la différence de sort entre le salaire et le profit provient de ce double fait que toute^ transformation exige un travail plus difficile, tout en s’adressant à des consommateurs d’abord moins nombreux.

Quatrième question. — Divers problèmes délicats et curieux sont compris dans cette dernière question. Vaut-il mieux pour les individus, les familles, les peuples, produire des