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faible proportion de praticiens, eu égard à leur population. C’est ainsi, que dans certains départements, on ne compte qu’un médecin sur 8000, quelquefois même sur 10 000 habitants. N’est-ce pas bien insuffisant ?

Il y a là une situation dont souffre 

lui-même le paysan aisé, et dont le pauvre est bien autrement victime ; « car, on l’a dit, quel que soit l’esprit de charité du praticien de campagne, on ne peut espérer de lui, et il serait injuste de le lui demander, de faire passerla clientèle pauvre avant la clientèle payante, et les droits de l’humanité avant ses intérêts les plus immédiats ».

, Différents systèmes d’organisation. Quelles que soient les raisons qui ont jusqu’ici entravé le développement du service gratuit de la médecine dans les campagnes, nous devons dire un mot de l’organisation de ce service dans les départements où il fonctionne. Trois systèmes principaux sont suivis ; ces systèmes comportent, d’ailleurs, des variantes suivant les régions. Le système le plus ancien est le système cantonal. C’est lui dont la première application a été faite et, en Alsace où il fut imaginé, il s’est toujours maintenu. Il fut recommandé, en 1833, par l’Académie de médecine, à la suite d’une longue discussion ; quoique combattu ensuite, en 1845, par le congrès des médecins de France, il fut adopté par M. de Salvandy, dans le projet d’organisation de l’assistance médicale qu’il soumettait aux Ghamb re s législatives en 1 847, Quel en est exactement le mécanisme ? Pour le faire comprendre, nous croyons devoir reproduire les termes d’un rapport ministériel du 24 avril 1861 : « Le service de chaque circonscription cantonale est confié à un médecin désigné par le préfet. Chaque année le bureau de bienfaisance de la commune, ou, lorsqu’il n’en existe pas, une commission composée du maire, de l’adjoint ou du curé, dresse, en présence du médecin, la liste des indigents qui sont appelés à profiter de la médecine gratuite ; cette liste est ensuite soumise à l’approbation des conseils municipaux. Le médecin cantonal traite à domicile, sur la demande du maire, ou, à son défaut, d’un membre de la commission communale, les indigents portés sur la liste. Dans les cas urgents, il peut être appelé directement par le malade ou sa famille, au moyen de la présentation de la carte délivrée à chacun des indigents. Les médecins visitent et soignent également les enfants trouvés, abandonnés, orphelins, les vieillards infirmes placés dans les familles, au compte du département. Ils donnent, une fois au moins par semaine, des consultations gratuites ; chaque année, ils adressent au préfet un rapport sur les résultats de leur service. Le médecin cantonal reçoit annuellement une allocation proportionnée à l’étendue de la circonscription et au nombre des indigents, enfants et vieillards, qu’il est chargé de visiter ; quand les ressources le permettent, des primes sont données à ceux qui se sont distingués par leur zèle. Les remèdes sont fournis par un pharmacien, domicilié dans la circonscription, ou par le médecin, s’il n’y a pas de pharmacien à 4 kilomètres de distance du domicile du malade. Toutes les communes sont pourvues d’un mobilier médical, linge, baignoires et autres objets de première nécessité, qui sont prêtés sur l’autorisation du médecin. » Ce système est certainement fort simple et cette simplicité même n’est pas sans séduire. Mais il soulève certaines objections. D’abord il crée deux classes de médecins : les médecins libres, s’adressant à la clientèle aisée, et n’ayant pas à donner leurs soins aux indigents, et les médecins des pauvres, obligés, au contraire, de consacrer tout leur temps à ceux-ci. La situation de cette deuxième catégorie de médecins n’est pas exempte d’inconvénients :ils ne peuvent suffire à leur tâche, parcourir à chaque instant le canton, aller d’une extrémité à l’autre, répondre à tous les appels des malades, plus exigeants par cela même qu’ils ne payent rien et se savent un droit à leurs soins. Du côté des malades, elle offre également ses dangers et déprécie a leurs yeux ces médecins, dont la principale profession est l’assistance rétribuée des indigents, et dont on a pu dire, non sans quelque raison, qu’ils sont suspects de faire de la médecine de rabais au profit de l’administration. Aussi la plupart des sociétés médicales, qui ont déposé dans l’enquête parlementaire, ont-elles repoussé le système cantonal. Nous ajouterons une dernière considération qui nous semble avoir sa valeur, c’est que ce système a pour résultat de créer une nouvelle classe de fonctionnaires qui, éventuellement, entre les mains d’une administration tyrannique et intolérante, pourraient faire de l’assistance médicale un instrument de politique et d’oppression.

Le second système, qualifié de système de circonscriptions médicales, n’est autre que le système cantonal modifié. Il consiste dans la division du canton en circonscriptions médicales, ayant chacune pour centre la résidence d’un médecin. Il ne faut pas se dissimuler que ce système fait disparaître un