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2° la législation facultative, cas où la loi étant faite pour l’ensemble d’un pays, chacun est libre d’en adopter ou d’en refuser le régime ; 3° la législation temporaire, cas où la loi est limitée dans le temps. Les causes de succès ou d’insuccès des expérimentations limitées et réduites au rôle que nous venons d’indiquer, peuvent provenir ou des personnes chargées de rédiger et d’appliquer la loi, ou du milieu pour lequel cette loi est faite.

. Du raisonnement.

a. Groupements des observations. — Les documents. — L’histoire. — Les causes d’erreurs.

— Si nous avons séparé, dans cet essai, l’observation du raisonnement, c’est de façon abstraite et pour faciliter l’exposé que nous tentons de faire ici. Car, dans l’observation, le raisonnement intervient puisqu’il s’agit en définitive de ne pas aller à l’aventure, de choisir, suivant une hypothèse ou une théorie admise, les phénomènes à observer et d’écarter autant que faire se peut les erreurs d’observation. L’observation est donc une opération elle-même qui relève du raisonnement.

Nous avons déjà dit, dès le début, que l’on a été porté à séparer avec trop de rigueur peut-être la méthode en méthode d’induction et méthode de déduction ; nous n’entrerons donc pas dans l’examen des distinctions classiques des divers modes de raisonnements. En économie politique, d’ailleurs, on emploie le raisonnement sous ses différentes formes.

Use peut — et cela arrive le plus souvent en science économique — que la personne qui entreprend de raisonner sur des observations ou des documents n’ait ni fait ces observations ni réuni ces documents. La première œuvre du raisonnement consiste donc, en ce cas, à vérifier l’exactitude de ces différents matériaux puis à les grouper. Nous savons déjà quelles précautions exige l’emploide la statistique, des rapports d’enquête, des monographies, etc. Nous allons examiner maintenant les documents historiques. Il nous a paru plus logique de les mettre dans la partie de ce travail relative au raisonnement, parce qu’ils offrent des documents d’un ordre très élevé et très complexe dans l’étude desquels le raisonnement joue un rôle important. Les analyses ou les synthèses que comporte l’histoire sont en effet des sortes d’observations dérivées.

L’histoire apporte une aide puissante dans l’investigation économique ; elle permet surtout, lorsqu’elle nous montre le développement des institutions et celui des échanges, MÉTHODE

de suivre sinon de façon absolument scientifique, du moins avec utilité, l’évolution, c’est-à-dire les états successifs par lesquels ont passé les nations. Mais on voit avec quelle prudence il faut accepter des faits qu’on ne peut guère vérifier, qu’on peut parfois contrôler seulement, et cela au prix de travaux énormes d’érudition dont la valeur est souvent fort contestable. Tous les historiens n’ont pas eu la probité scientifique de Thucydide qui s’arrêtait quand il ne savait plus. L’histoire peut, malgré ces obstacles, être utile, lorsqu’elle est étudiée avec circonspection, lorsque surtout, comme nous le verrons bientôt, on possède pour se reconnaître à travers les enchevêtrements de faits qu’elle accumule, un fil conducteur, une connaissance assez étendue de la nature de l’homme. La méthode connue sous le nom d’historique — insuffisante à elle seule en science sociale — a été une sorte de réaction contre les méthodes exclusives dites chimique, expérimentale et géométrique. Elle a certainement contribué à montrer que, comme nous l’avons dit au début, le nombre des procédés d’investigation ne devait pas être limité en économie politique. Elle a été cependant considérée elle-même à un point de vue trop exclusif par ceux qui l’ont employée et recommandée. J.-Stuart Mill l’a critiqué en ces termes {Système de îogique,t. II, p. 512 et 513) : « Cette méthode, qui est maintenant généralement adoptée par les penseurs les plus avancés du continent, consiste à chercher, par une étude et une analyse des faits généraux de l’histoire, à déterminer ce que les philosophes appellent la loi du progrès. Cette loi, une fois reconnue, doit, selon eux, nous mettre à même de prédire.les événements futurs, absolument comme, par la connaissance d’un petit nombre des termes d’une série infinie en algèbre, on peut découvrir le principe de leur ordre de formation, et prédire le reste de la série pour un nombre de termes aussi grand qu’on voudra. Le but principal de la spéculation historique en France dans ces dernières années a été de découvrir cette loi. Mais si je reconnais volontiers les grands services que cette école a rendus à la science historique, je ne puis m’empêcher de lui imputer une erreur capitale sur la vraie méthode de la philosophie sociale. La méprise consiste à supposer que l’ordre de succession constatable entre les différents états de société et de civilisation que nous offre l’histoire, puisse jamais, lors même qu’il serait plus rigoureusement uniforme, qu’onne Ta reconnu jusqu’à présent, constituer une loi. Ce ne peut être qu’une loi empirique. La succession des états de l’esprit