Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/283

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théorie du mouvement progressif des ’sociétés humaines (p. 511-514), et celles relatives à l’influence qu’exercent sur le progrès social soit les actes des individus et spécialement des grands hommes, soit les actes des gouvernements (p. 540-549.)

. Les Principes d’économie politique. Nous pouvons maintenant aborder l’économie politique de Stuart Mill et, sans prétendre en donner même un résumé succinct, essayer de la caractériser et de la juger. On a l’habitude de ne voir en l’auteur des Principes d’économie politique qu’un « disciple fidèle et respectueux de Ricardo et de Malthus », ayant, sans doute, complété leur œuvre par une conclusion, mais ayant, le plus souvent, adopté leurs formules et même leur méthode 1 . 11 en est loué par quelques-uns. D’autres, assez nombreux aujourd’hui,en particulier les économistes de l’école dite historique, l’en blâment sévèrement 2 . Selon nous le blâme et l’éloge sont également mal fondés. Si, par une modestie certainement excessive, Stuart Mill s’est souvent réclamé, au cours de ses Principes, de Malthus et de Ricardo, on ne saurait oublier qu’il déclare lui-même, dans la préface de la première édition de son livre, que « le désir de combler les lacunes des anciens traités n’est pas le seul, ni même le principal qui Tait animé ». Il a voulu, à la fois, et c’est là, il le dit lui-même, « la qualité vraiment distinctive de son ouvrage », exposer l’économie politique en tant que branche de la spéculation abstraite, et en exposer les applications diverses, dans lesquelles elle « se lie d’une façon indissoluble aux autres branches nombreuses de la philosophie sociale ».

En ce qui concerne ces applications, l’œuvre de Stuart Mill lui appartient en propre. Elle est vraiment nouvelle. Non seulement il est entré dans un ordre de recherches que Malthus et Ricardo avaient négligé, mais il y est entré avec un esprit tout à fait différent du leur, avec un esprit à la fois vraiment scientifique et profondément humanitaire. On a pu, à bon droit, reprocher aux économistes orthodoxes dont Malthus et Ricardo sont les plus éminents représentants, d’étudier et d’expliquer les phénomènes économiques sans tenir compte de l’action qu’exercent sur eux tous les autres phénomènes . Ainsi s’exprime l’un des économistes français qui ont pourtant le mieux étudié Stuart Mill et sont le mieux en état de le bien juger, V, Courcelle-Seneuil, Premiers principes d’ Économie politique, de Stuart Mill, introduction, p. 7 (3« édition de la traduction, 1873). . V. Cliffe Leslie, Essai/s an Political Economy (1888), p. 54, 59. — E. de Lavcleye, l& Socialisme CQntewporain, introduction, p. 31.

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sociaux et de n’arriver ainsi, le plus souvent, tant dans le domaine de la science que dans celui de l’art, qu’à des conclusions incomplètes et inexactes. On leur a reproché aussi, assez justement, de généraliser avec une excessive facilité les lois et les principes qu’ils croient avoir découverts. Nul, moins que Stuart Mill, quoi qu’en disent les partisans de l’école historique, ne mérite ces deux reproches. Loin d’encourir le premier, il est de ceux qui Font adressé avec le plus de force aux économistes ses contemporains et qui ont su l’éviter le mieux. « Les phénomènes de la société ne dépendent pas, dit-il, dans les points essentiels, d’un agent unique, d’une seule loi de la nature. Ils sont soumis à l’influence de toutes les qualités de la nature humaine ; et pas une de ces qualités n’exerce son influence à un faible degré 1 ». « L’économiste, dit-il, un peu plus loin (p. 498) recherche quelles sont les actions que produirait le désir de la richesse, s’il n’était pas combattu par quelque autre... On doit ensuite rectifier l’approximation ainsi obtenue, en tenant compte des effets de toutes les impulsions d’une autre nature dont on peut prouver l’intervention dans le résultat pour chaque cas particulier. » — Stuart Mill n’est pas moins à l’abri du second reproche que du premier. N’est-ce pas lui qui signalait aussi dans le Système de logique « l’erreur très commune, chez les économistes, d’appliquer les conclusions tirées des éléments d’un certain état de société à d’autres états dans lesquels beaucoup d’éléments ne sont pas les mêmes ? » {p. 492). Les critiques de l’école historique ne l’atteignent donc pas. La réaction que cette école a suscitée contre lui est injustifiée. Il serait, d’ailleurs, facile de montrer que, non moins exclusive dans ses conclusions que l’école orthodoxe elle-même, l’école historique eût singulièrement gagné à mieux comprendre Stuart Mill et à s’inspirer davantage de la distinction entre la seience et l’art qu’il a si lumineusement exposée.

Sur un certain nombre de points importants, nous reconnaissons volontiers que Mill a eu le tort d’accepter sans réserve les doctrines des économistes anglais du commencement du siècle. C’est ainsi que sa formule : « le taux des salaires dépend de la population et des capitaux 2 », nous paraît inexacte, et plus inexacte encore cette affirmation « qu’il n’y a pas d’autre sauvegarde pour les salariés que la restriction du progrès de la population 8 ». C’est ainsi

. Système de logique, t. II, livre VI, p. 487. 

. Principes d’économie politique, t, I, ^. . Loc. cit., p. 413.