Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/303

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naie réelle, le superflu prend aisément une autre forme ; lorsqu’il y a surabondance de monnaie artificielle, le superflu avilit toute la masse et dégrade son titre... Une banque qui n’escompte que des lettres de change régulières ne court jamais le risque d’augmenter le Yolume de la monnaie totale au delà de la juste proportion... L’escompte n’est régulier que lorsqu’il s’applique à de véritables lettres de change, à celles qui sont le règlement, le solde d’un marché consommé auquel ont concouru, trois contractants ». Ces idées furent l’objet de plusieurs notes remises au premier consul en 1802 ; elles inspirèrent la loi du 24 germinal an XI, qui modifiait heureusement les statuts primitifs de la Banque. Mollien jugeait également que, pour être aisément convertibles en espèces, les billets d’une Banque ne devaient pas circuler en dehors du lieu de leur émission : il était partisan des monopoles locaux et non, comme on l’a prétendu, de la liberté de rémission 1 . En même temps, il voulait que la Banque conservât yis-à -vis de l’État une complète indépendance et, à ce double point de vue, il désapprouva la loi du 22 avril 1806 qui confiait à l’empereur la nomination du gouverneur et des sous-gouverneurs et autorisait la Banque à ouvrir des comptoirs dans les départements : ce fut même lui, qui par un sentiment de prudence peut-être excessif, empêcha, en 1810, les créations de succursales promises par Napoléon aux places qui avaient le plus à souffrir du système continental 2 .

Tout en s’occupant de ces graves problèmes, Mollien pourvoyait à tous les détails d’une administration qui devait combiner ses mouvements avec ceux des armées. Il lui arrivait, surtout dans les dernières années, de recevoir des ordres « inexécutables pour le temps et pour le lieu ». Il opposait alors avec simplicité l’autorité des chiffres, évitait la discussion, se bornait aux preuves arithmétiques ; et Napoléon, étonné de rencontrer dans les choses une résistance supérieure aux efforts de ceux qui le servaient, se résignait à n’exiger dé- . Michel Chevalier contre Wolowski, Compte rendu des séances et travaux de V Académie des sciences morales et politiques, t. LXVIH et LXIX.

. Ses objections furent développées dans une note adressée à l’empereur, qui répondit du Havre, le 29 mai 1 Si 0 : « C’est la première chose bien claire, bien faite et sans abstraction que j’aie lue sur cette matière. Faites remettre ce mémoire à la Banque comme venant de moi, afin de leur laisser la liberté de l’attaquer en votre présence », Cette note connue sous le nom de Note du Havre, est conservée par la Banque j elle a été publiée dans le Journal des Économistes, t. XXXIV, p. 349. On y trouve notamment cette belle maxime : « Pour ne jamais finir, une banque doit toujours èjre prête à flair ».

fmitivement que le possible. L’empereur rendait d’ailleurs hommage à la ponctualité de’ son ministre. « Avec mon ministre du Trésor, disait-il à Sainte-Hélène, et mon secrétaire d’État seuls, et une douzaine de scribes, je me fusse fait fort de gouverner l’empire du fond de Hllyrie ou des rives du Niémen avec autant de facilité que dans ma capitale 1 ». Sous la première Restauration, Mollien eut le chagrin de voir son administration calomniée par ceux même qui avaient été les confidents de ses pensées, en particulier par le baron Louis (voy. ce nom), dont il avait protégé la carrière et qui s’était formé à son école. Malgré les instances de ses amis, il n’opposa à ces attaques qu’un silence dédaigneux. Au retour de Napoléon, sans illusion sur l’issue réservée à cette nouvelle entreprise, il consentit cependant par dévouement à reprendre le portefeuille du Trésor. Nommé pair en 1819, il intervint jusqu’en 4837 dans la plupart des discussions financières. A partir de ce moment, la faiblesse de sa vue l’empêcha de participer autrement que par son vote aux travaux de la haute Assemblée. Il mourut aux environs d’Étampes le 20 avril J 850, quelques jours après avoir reçu dans sa retraite la visite du prince président de la République. Au jugement de M. de Barante, le comte Mollien « était un dernier débris et un des plus parfaits modèles de cette ancienne société française où l’urbanité des mœurs et l’exquise politesse des manières s’alliaient aux grands travaux de l’esprit et à la profondeur des idées et des connaissances ». Son nom a été donné à un des six pavillons du nouveau Louvre.

Ce caractère de l’homme se reflète dans l’élégance un peu recherchée de l’écrivain. Les Mémoires dun ministre du Trésor public, commencés en 1817, furent tirés à quelques exemplaires en 1837 et imprimés définitivement, sans être mis dans le commerce, en 1845. Trop peu lus aujourd’hui, ils devraient être le catéchisme de tous ceux qui se destinent à la pratique ou à l’étude des finances. Ils sont moins instructifs par les détails qu’ils fournissent sur les origines de nos institutions financières que par la méthode dont ils en présentent l’exposé. Les idées pratiques de Mollien s’étaient formées par déduction : elles découlaient de ses connaissances théoriques, éclairées par l’expérience des faits, et les réformes financières auxquelles il a attaché son nom furent la conséquence logique de ses idées générales sur le crédit et la propriété. En un mot, il devint un grand administrateur parce au’U i* Mémorial t 1. VI, p. 243.