Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/319

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

reflué vers la France ; il en aurait chassé l’or si le gouvernement n’avait pas suspendu, en ce qui concerne ce métal, la liberté de la frappe. La situation monétaire du temps présent n’est pas sans analogies avec celle du commencement de ce siècle. L’or et l’argent circulent également en France, aujourd’hui, comme de 1800 à 1820. Seulement, il y a une différence essentielle. Ce n’est plus d’argent, c’est d’or que se compose surtout notre stock monétaire ; l’enquête de 4 878 a constaté les proportions de 26,45 p. 100 pour l’argent et de 73,53 p. 100 pour l’or, celle de 1885 les proportions de 30,67 p. 100 pour l’argent et de 09,33 p. 100 pour For. En outre, la Banque de France possède une encaisse d’or considérable. Il en résulte que For est, en fait, la monnaie principale, la monnaie étalon ; l’argent a, po ur partie, une valeur fiduciaire, représentative : il circule au pair parce qu’on peut obtenir sans difficulté de For en échange :1a circulation d’argent est gagée par la circulation d’or : l’argent représente l’or dans les échanges intérieurs comme lui-même était jadis représenté par l’or. , Distinction de la. monnaie de compte et de l’étalon monétaire. — On a vu qu’à la Réunion, avant 1879, la monnaie de compte était déjà le franc, mais que la circulation consistait principalement en roupies. Les débiteurs s’engageaient donc à payer des francs, c’est-à-dire 1/3444. 44. de kilogramme d’or fin et ne pouvaient livrer que des monnaies d’argent. Les prix ne se réglaient donc pas sur le franc, mais sur la roupie ; en d’autre s terme s, F argent était le métal étalon. Une situation analogue existe en Indo-Chine. Dans certains cas le franc sert de monnaie de compte : on s’engage à payer des francs. Mais on ne peut payer que des piastres. Là aussi l’argent sert d’étalon. Il va sans dire que les idées de monnaie de compte et de monnaie étalon sont confondues toutes les fois que la promesse de payer est conçue en piastres.

. Monométallisme et bimétallisme. Le système bimétallique est caractérisé par l’institution d’un rapport légal entre la valeur de For et celle de l’argent, rapport d’après lequel les hôtels des monnaies sont tenus de frapper l’un ou l’autre métal po.ur le compte des particuliers, d’après lequel aussi le débiteur peut imposer en payementau créancier l’un ou l’autre métal à son choix. Dans le système monométallique, le législateur n’établit pas de rapport obligatoire entre la valeur des deux métaux : il en résulte que la frappe libre et illimitée, pour le compte des particuliers, n’est permise que pour un seul des métaux précieux, et que ce même métal fournit la matière d’une monnaie légale unique.

On désigne aussi les deux systèmes sous les noms de systèmes du double et du simple étalon. Ces locutions ne sont pas correctes. Il y a bien deux monnaies légales dans le système bimétallique, mais il n’y a jamais qu’un seul étalon, qui est constitué tantôt par l’une, tantôt par l’autre des monnaies légales : ce n’est pas le système du double étalon, mais celui des étalons alternatifs. D’autre part, dans le système opposé, l’étalon n’est pas seulement simple, il est unique. Les expressions de bimétallisme et de monométallisme ne sont guère plus heureuses. Elles prêtent à l’équivoque. Elles semblent annoncer que la matière des monnaies est fournie par deux métaux dans le premier système et par un seul dans le second. Tout au contraire l’un et l’autre admettent comme monnaies réelles, non seulement deux métaux, mais même trois et quatre métaux : For, l’argent, le bronze, le nickel. Ce qui est double dans l’un et simple dans l’autre, c’est la monnaie légale. Si l’on a égard aux monnaies réelles, on peut même dire que, le plus souvent, la législation bimétallique a pour effet d’exclure de la circulation l’un des métaux précieux, tantôtl’or, tantôt l’argent, et que c’est au contraire le système monométallique qui assure le mieux la circulation parallèle des deux métaux. Ce qui distingue véritablement les deux systèmes, c’est l’institution ou la non-institution d’un rapport légal entre la valeur de For et celle de l’argent. C’est parce qu’elle établissait un rapport légal de cette nature que la loi de germinal an XI permettait la frappe illimitée de l’or et de l’argent pour le compte des particuliers et reconnaissait à Fun et à l’autre la qualité de monnaie légale. C’est parce qu’elles n’établissent pas un semblable rapport que les lois monétaires anglaises de 1816 et de 1870 n’autorisent la frappe pour le compte des particuliers qu’à Fégard de For et qu’elles réservent à For la fonction de monnaie légale.

Les deux systèmes doivent être jugés d’après les conséquences qu’ils entraînent. La loi de germinal, en rendant obligatoire une relation de valeur dont la fixité est contraire à la nature des choses, a condamné les créanciers et l’ensemble même de la nation à subir un préjudice considérable du fait des variations qui se produisent entre le rapport qu’elle a établi et celui qui résulte du cours commercial des métaux précieux. Elle autorise, en effet, les débiteurs à livrer à leurs créanciers celui des deux