Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/380

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

nous ne rappellerons ici que celles qui se rattachent directement à notre sujet. La jurande française (V. Corporations) fut une organisation corporative des classes industrielles : à l’origine, centre de résistance à l’oppression féodale, puis instrument de privilège et de monopole, elle réunit, à un haut degré, tous les caractères d’une institution de fraternité.

A côté des privilèges les plus exorbitants et des prescriptions les plus antiéconomiques, les statuts des diverses corporations contenaient un véritable code d’assistance mutuelle. Mais le privilège dégénère vite en despotisme et provoque l’union et la résistance chez les opprimés.

Le compagnonnage (V. ce mot) ne fut apparemment dans son origine qu’une coalition des ouvriers non établis contre le monopole de maîtrise que la jurande assurait aux artisans, et on peut le considérer comme une société mutuelle contre l’arbitraire des patrons. Malgré bien des erreurs et la singularité de quelques-unes de ses pratiques, le compagnonnage doit être considéré comme une organisation essentiellement tutélaire et protectrice ayant admirablement réalisé pendant de longs siècles un triple but d’instruction professionnelle, de moralisation et d’assistance mutuelle ; elle procurait à ses affiliés des facilités de voyages d’instruction, du travail pendant leur séjour dans les villes industrielles et parfois aussi du crédit, des subventions ou des secours, enfin des soins en cas de maladie et le payement des frais funéraires. Cette institution poussa d’innombrables ramifications au sein des masses laborieuses ; elle fut assez vivace pour résister aux bouleversements sociaux de la fin du xvm e siècle et ne s’effacer que lentement, pendant le xix e , sous l’influence de l’uniformité des mœurs modernes.

La confrérie s’établit sous l’influence de l’Église, en vue de l’accomplissement de certaines pratiques religieuses et de l’exercice de certaines œuvres de charité. Plusieurs confréries de métiers n’étaient qu’une forme religieuse de la corporation comme la jurande en était la forme civile. Mais en bien des cas la confrérie fut une organisation distincte, recrutant ses adhérents parmi tous les habitants d’une ville sans distinction de sexe ou de profession et constituant en même temps qu’une association religieuse une véritable société de secours et de protection mutuels. Les confréries devinrent infiniment nombreuses ; chaque ville, chaque bourgade se fit gloire d’en posséder une ou plusieurs et l’on cite encore en France telle confrérie fondée depuis plusieurs siècles et subsistant aujourd’hui avec ses statuts d’origine. 1 Fortement organisées au point de vue de la garantie réciproque contre les chances ordinaires de la vie commune, ces institutions offrent de nombreuses et frappantes analogies avec nos sociétés de secours mutuels : conditions de moralité exigées pour l’admission et discutées en assemblée générale, droit d’entrée, cotisations, indemnités de maladie, honneurs funèbres, modes de versements, de comptabilité, d’exclusion, etc. IV. LES SOCIÉTÉS DE SECOURS MUTUELS EN FRANCE.

En brisant les groupes sociaux dans lesquels les classes laborieuses étaient encadrées, les réformateurs de 1791 détruisirent sans réédifier.

En même temps qu’il trouvait l’indépendance, l’ouvrier perdait tout appui ; l’isolement où il se trouvait dès lors stérilisait en quelque sorte sa prévoyance et le laissait à la merci de nombreuses causes de misère. Les travailleurs de tous ordres tentèrent bientôt de renouer les anciennes traditions d’assistance réciproque. Des sociétés mutuelles se formèrent en nombre toujours croissant malgré les défiances des pouvoirs politiques et l’obstacle que ces tentatives rencontrèrent dans l’article 291 du code pénal, aggravé plus tard par la loi du 10 avril 1834. En proclamant la liberté d’association, la république de 1848 donna la plus vigoureuse impulsion au mouvement commencé et, bientôt après, une législation spéciale vint régler la situation des sociétés d’assistance mutuelle.

. Législation.

La loi du 15 juillet 1850 et le décret du 26 mars 1852 ont établi des conditions à l’existence légale des sociétés et les ont dotées de certains droits civils et d’avantages déterminés.

Nous devons résumer avec précision le régime institué par ces deux actes, qui sont encore en vigueur.

° Les sociétés peuvent être, moyennant l’exécution de certaines conditions, résultant de la loi de 1850 et du règlement d’administration publique du 14 juin 1851, reconnues comme établissements d’utilité publique. Les sociétés reconnues sont constituées par un décret rendu sur l’avis du conseil d’État. Elles jouissent de la personnalité civile avec tous les avantages que comporte ce cai^actère. Elles ont notamment le droit de posséder, d’acquérir et de recevoir, par donation ou autrement, des biens mobiliers ou immobiliers, quelle qu’en soit la valeur ; elles