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MUTUALITÉ

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MUTUALITÉ

blés de mortalité et de maladie applicables aux sociétés de secours mutuels. V. LA MUTUALITÉ A L’ÉTRANGER.

9- Angleterre.

Par suite de certaines qualités qui lui sont spéciales, la race anglaise s’est révélée un milieu extraordinairement favorable au développement de la mutualité. Ce peuple n’offre pas seulement une disposition particulière au calcul, à Tordre, à l’économie, à la persévérance dans les entreprises commencées, — onre trouve ces qualités chezd’entres peuples ; — mais plus qu’aucun autre, il possède un remarquable esprit d’association, un sentiment inné d’initiative et de responsabilité personnelle, enfin l’habitude de compter sur lui-même et non sur l’autorité pour concevoir et réaliser le progrès. Avec la doctrine du Self-help, le goût de l’assurance est entré dans les mœurs et a si bien pénétré les masses que les sociétés mutuelles populaires jouent dans les classes laborieuses le même rôle que les grandes compagnies d’assurance au milieu des classes supérieures.

Ces sociétés se présentent sous deux types principaux, la Friendly Society et la Traders Union qui, malgré des traits communs, sont néanmoins bien distinctes.

Les sociétés d’amis {Friendly Societics) ont la même origine que nos sociétés françaises de secours mutuels : elles remontent aux anciennes corporations et confréries. Sous l’impulsion d’une législation favorable, elles ont pris, au cours du xix e siècle, un prodigieux développement ; on les compte par dizaines de mille, avec des réserves accumulées se chiffrant ensemble par dizaines de millions de livres. On estime que le huitième au moins de la population est enrôlé dans ces sociétés et, comme les femmes et l’enfant de l’associé sont secourus dans certains cas, il est vraisemblable que le tiers de la population des Iles-Britanniques participe aux bénéfices de la mutualité.

On pourrait craindre que la répartition des hommes prévoyants en un si grand nombre de groupes n’aboutisseà un affaiblissement des résultats de la mutualité. Ces sociétés se sont prémunies contre ce danger : elle s’affilient entre elles en de grandes fédérations qui étendent leur réseau sur tout le territoire et même se ramifient dans les colonies et à l’étranger.

Ce type fédéral, reconnu par la loi depuis 1875, dérive de la franc-maçonnerie a laquelle d’ailleurs il a emprunté certains détails d’organisation. Une administration hiérarchiquement constituée, dont on ne gravit que successivement les divers échelons, permet de n’avoir à la tète de ces vastes agglomérations que des hommes auxquels leur longue expérience des affaires donne une grande autorité.

Ces fédérations réunissent annuellement les délégués de leurs groupes innombrables en des assemblées qui sont de véritables parlements. Toutes les questions d’importance vitale pour la société s’y traitent et il est rare qu’une année se passe sans apporter d’amélioration dans les statuts ou du moins sans manifester un progrès dans les idées qui se propage dès lors avec une nouvelle force parmi un demi-million de sociétaires, pour aboutir plus tard à des améliorations nouvelles. ’

Les résultats obtenus par ces mutualités sont multiples ; le sociétaire reçoit une indemnité de route en cas de déplacement nécessaire, des secours en cas de maladie, une pension de retraite, etc. L’attrait de l’assurance sur la vie est tel, en Angleterre, que l’ouvrier ne comprend guère une Friendly-Society sans le service par elle d’une assurance eu cas de mort. Le capital acquis au décès du sociétaire est destiné à couvrir les frais de funérailles (sauf le cas très fréquent d’une assurance spéciale dans ce but) et à servir des secours à la veuve et aux orphelins. Il est inutile d’insister sur les avantages que présentent ces vastes organisations mutuelles. Leur étendue leur permet de suivre l’ouvrier dans ces déplacements, de lui fournir des secours et de percevoir ses cotisations à distance. La multitude de leurs adhérents offrant un champ favorable à la réalisation de la loi des grands nombres, les met à l’abri des surprises du hasard et leur donne des facilités particulières pour établir de bonnes statistiques. Les travaux scientiflqu es émanés de ces sociétés leur ont rendu les plus précieux services en leur permettant de déterminer avec une exactitude relative le chiffre des cotisations qu’elles doivent exiger de leurs membres pour pouvoir leur garantir tel ou tel avantage. Le plus grand nombre de ces sociétés ont assis leurs statuts sur des bases scientifiques et tel est le secret de leur force. Partout on retrouve une comptabilité régulière, la variabilité des versements suivant les âges, la distinction absolue des caisses et la spécialisation des fonds. On peut dire en un mot que la raison de leur prospérité réside dans la double habitude de considérer la cotisation comme une véritable prime d’assurance proportionnée au risque et de ne jamais confondre les fonds destinés à chaque nature d’assurance (mala-