Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/39

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Chacun des éléments de la classification se trouvant ainsi défini, il devient facile de découvrir les conséquences qui découlent de leurs caractères réciproques.

Les impôts sur la fortune assise, d’abord, par leur nature même, possèdent le précieux avantage de s’adresser toujours à des valeurs certaines, à des richesses bien déterminées, capables de supporter le poids de la taxation. Ils ne demandent de l’argent que là où il y en a. Sans doute, les apparences peuvent tromper : tel immeuble, telle usine, tel magasin, tel train d’équipages, tel contrat, dissimulent quelquefois là pauvreté ou la ruine, derrière l’opulence qu’ils étalent aux yeux : de plus fins créanciers que le fisc s’y laissent prendre. Mais ce sont là des cas exceptionnels et, d’une manière normale, on peut affirmer que terres, bois, maisons, manufactures, chevaux et voitures, successions, donations, ventes, partages, actes de société, contrats de mariage, etc., révèlent une richesse certaine. L’impôt, en les frappant, est donc généralement assuré de ne pas frapper à faux. Il ne demande une part de leur bien qu’à ceux-là même qui détiennent ce bien. Si, en outre, une juste proportionnalité régnait dans les tarifs, la perfection fiscale se trouverait à peu près réalisée, puisque la richesse serait taxée directement et proportionnellement.

Tout au contraire, les impôts sur les consommations frappent en aveugles, sans savoir qui se trouve devant eux ; riches ou pauvres tombent indifféremment sous leurs coups. Comment le fisc discernerait-il les uns des autres, puisque les véritables contribuables n’existent pas encore quand les marchanqu’elles détiennent, lesquelles richesses ou valeurs forment l’objet exclusif de la taxation. De leur côté, les droits sur les consommations sont non moins réels, puisque, comme nous l’avons dît, ils s’attachent seulement à saisir au passage les objets imposés et ignorent la personnalité du consommateur, û une manière générale, du reste, ia distinction entre les impôts réels et personnels trouve rarement et difficilement son application exacte. Dès que l’on veut aller au fond des choses, on découvre presque toujours une richesse, une valeur, un signe extérieur, une réalité en un mot, sur laquelle la taxe est assise. Seuls, les impôts de capitation sont des impôts personnels proprement dits. En dehors d’eux, il n’existe plus guère que des impôts réels. Or, comme aujourd’hui les impôts de capitation tendent généralement à disparaître — nous l’avons moniré précédemment — la classification perd, en grande partie, sa raison d’être. Aussi avons-nous omis intentionnellement de lui consacrer un chapitre spécial. Tout au plus, pourrait-on rattacher à cet ordre d’idées les considérations en vertu desquelles, dans la première partie de ce travail, nous recommandons d’éviter les contacts trop directs entre le fisc et la personne même des contribuables.Hous disions alors que l’impôt devait être réel, en ce sens qu’il devait, autant que possible, se dissimuler derrière l’objet taxé et s’abstenir d’interpeller directement le public. Mais ces conseils, très utiles sans aucun doute, ne sauraient servir de base à une classification scientifique.


IMPOT

dises sont saisies au passage : ces véritables contribuables n’apparaîtront que plus tard, lors de la mise en consommation. A ce moment seulement, se dressera devant eux l’alternative dont nous avons déjà parlé : délier sa bourse ou s’abstenir, alternative acceptable peut-être à l’égard des objets de luxe, mais qui devient cruelle — nous allons le voir tout à l’heure — quand il s’agit d’objets de première nécessité.

Un second avantage des impôts sur la propriété leur permet d’opérer, à leur base, de justes et bienfaisants dégrèvements en faveur des classes les moins favorisées. Sachant à qui ils s’adressent, ces sortes d’impôts peuvent, à leur gré, orienter et modérer leur incidence. C’est ainsi que Yincome-tax, en Angleterre, exempte les revenus inférieurs à 3750 francs et ! atténue son tarif à l’égard des revenus inférieurs à 10 000 francs ; que l’impôt mobilier, dans certaines villes en France, dispense les faibles loyers ; que les indigents sont laissés en dehors de la contribution personnelle ; que les petits patentables, ouvriers travaillant seuls, commerçants des dernières classes dans les petites villes sont déchargés en totalité ou en partie ; que, dans certains pays, les successions de peu d’importance sont exonérées ; que les successions en ligne directe sont partout favorisées ; que les ventes judiciaires d’immeubles de minime valeur sont affranchies des droits ; que les dernières classes de l’impôt des classes en Prusse sont rayées de la liste, etc.

Les impôts sur les consommations, on Ta compris déjà, avec leurs tarifs impersonnels, demeurent incapables de se prêter à des combinaisons de cette nature : ils ne peuvent faire acception de personnes, puisqu’ils ignorent les situations individuelles. Leur définition donnée plus haut Ta suffisamment expliqué ! En résumé, les impôts sur la fortune assise sont dotés de deux vertus prééminentes : ils atteignent la richesse dans les mains de ses détenteurs et permettent d’opérer de bienfaisants dégrèvements en faveur des classes pauvres.

L’éclat de ces vertus a rallié autour d’eux des partisans passionnés. Une certaine école même, beaucoup trop absolue, voudrait les voir régner seuls dans les budgets, soit à titre de taxes sur le revenu, soit à titre de taxes sur le capital, à l’exclusion des impôts sur les consommations.

Malheureusement, une telle exclusion est irréalisable. Aucun pays ne saurait actuellement se contenter des impôts sur la fortune assise. Ceux-ci, en effet, malgré leurs qualités, en raison même des caractères qui don-