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NOIROT

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étaient plutôt une série d’entretiens familiers et originaux. Cependant M. Paul Rougier, dans une étude fort intéressante sur V Économie politique à Lyon de 1750 à 1890 (Guillaumin), a exposé quelques-unes des principales idées de son ancien professeur qui, sur beaucoup de points, comme on va le voir, a devancé son époque. Ainsi, alors que les théories protectionnistes et même prohibitionnistes étaient seules appliquées, l’abbé Noirot démontrait à ses élèves que la liberté commerciale dérive de la nature même de l’homme, de l’impossibilité où il est de se suffire ; que les échanges entre nations doivent donc être libres, car il est tout aussi impossible et absurde d’admettre qu’une nation soit à même de se suffire quand cette possibilité est inadmissible pour l’individu.. ; que néanmoins certaines entraves passagères à l’entrée des produits similaires étrangers peuvent avoir une raison légitime, mais temporaire, et que lorsqu’une industrie est adulte, elle doit s’affranchir de cette protection et affronter directement sur le marché international la concurrence, dans laquelle elle trouvera un stimulant pour se mettre sans cesse au niveau des besoins de l’homme. Il est à peine besoin d’ajouter que l’abbé Noirot n’était pas seulement un défenseur convaincu de la liberté des échanges à l’extérieur mais qu’il était à l’intérieur, l’adversaire des monopoles et des entraves administratives. Deyançantlesidées de son temps, il proclamait la liberté du commerce de la boulangerie et de la boucherie (V. Commerces de l’alimentation), trente ans avantles mesures législatives qui ont sanctionné ces importantes réformes. La théorie de l’abbé Noirot sur les emprunts publics mérite aussi d’être signalé e. Il estimait que, dans certains cas, les emprunts peuvent être plus ruineux que les impôts : 1° ils détournent, disait-il, les capitaux des entreprises utiles inspirées par l’initiative privée pour les porter sur une consommation trop souvent improductive ; 2° ils deviennent aisément des moyens de prodigalités, d’entreprises téméraires ; 3° ils tendent à exercer une dépression sur les salaires ; 4° ils constituent une rente perpétuelle qui, au bout de quelques années, équivaut à plusieurs fois le capital et pesé lourdement sur les générations à venir- 5° tout emprunt aboutit nécessairement à un nouvel emprunt, parce que les produits, même dans l’hypothèse la plus favorable de la progression de l’activité, sont toujours limités, et qu’au contraire l’accroissement de la dette ne s’arrête jamais à moins d’une administration financière absolument vigilante, capable d’opérer des retranchements sur les dépenses publiques et plaçant le bien NORTH

de tous au-dessus des considérations d’intérêt purement politique.

Georges Michel.

NORTH (sir Dudley), homme politique et économiste anglais, naquit à Londres le 16 mai 1644 et y mourut en mars 1691. Sir Dudley, entraîné par son grand penchant pour le commerce et le trafic, quitta l’Angleterre, se rendit en Turquie, s’y établit simple marchand d’abord et finit par être l’un des premiers négociants de ce pays. Quand il revint à Londres, il était possesseur d’une immense fortune. Sur la recommandation de son frère, il fut nommé chef des shériffs de la cité de Londres et, bientôt après, commissaire général des douanes. Élu membre du Parlement, sous Jacques II, on lui confia l’administration de tous les biens de la couronne.

Sir Dudley n’a écrit qu’un seul ouvrage se rattachant à la science économique intitulé : Discours sur le commerce, l’intérêt, le monnayage et le numéraire. Il fut publié sous l’anonymat, en 1691 ; il est, depuis, devenu introuvable’ On suppose que, pour quelque motif resté inconnu, l’édition en fut supprimée. D’autres croient qu’elle fut aussitôt épuisée. Mais ce n’est pas là l’opinion du frère de l’auteur, qui dit que l’ouvrage ne fut « ni remarqué ni employé par les auteurs subséquens (aie) ». Cependant, il en fut pris des copies à la main. Mac Culloch, qui en a eu un exemplaire, dit qu’il contient une exposition bien plus juste des vrais principes du commerce qu’aucune de celles qui avaient paru. Il ajoute que North y est partout le défenseur éclairé et conséquent de la liberté du commerce ; que son système est bien entier et complet dans toutes ses parties ; qu’il démontre qu’en matière de commerce les nations ont les mêmes intérêts que les particuliers et qu’il est absurde de supposer que le commerce puisse jamais être avantageux pour un marchand, en même temps qu’il serait nuisible pour le public. Du reste, les principes généraux développés dans cet ouvrage ont été formulés dans sa préface même et dans les termes suivants : « En ce qui touche le commerce, le monde entier n’est qu’un groupe des nationalités qu’on peut assimiler à des groupes de personnes.

« La ruine d’un commerce avec une nation n’est pas une perte isolée ; c’est une perte générale pour le commerce du monde. « Aucun commerce n’est sans intérêt pour le public. Que s’il s’en produisait de cette espèce, il faudrait l’abandonner. Partout où les commerçants trouvent profit, il y a aussi profit pour le public,