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OFFICES (VÉNALITÉ DES)

régime établit la vénalité des offices ; la Révolution la supprime ; enfin, la loi de 1816 la fait revivre, mais pour certains offices seulement et avec un caractère nouveau que nous aurons plus loin à déterminer. ° Ancien régime. — A l’origine et durant les premiers siècles de la monarchie française, les offices, notamment ceux de judicature, étaient gratuitement conférés soit par le roi, soit par les seigneurs, suivant qn’il s’agissait de charges royales ou seigneuriales : la vénalité des offices n’existait pas, ou tout au moins elle n’était pas légalement reconnue.

Mais cette règle qui demeura en vigueur, du moins en apparence, jusqu’au commencement du svi e siècle, avait déjà subi dès le xïn e de graves atteintes ; des abus s’étaient depuis longtemps introduits dans la collation des offices, qui devaient fatalement aboutir à la vénalité.

D’une part, en effet, il était arrivé que les ducs et les comtes, voulant se décharger sur les juges du droit de rendre la justice dans leurs seigneuries, leur avaient en mémo temps donné à ferme et moyennant un prix annuel les profits et émoluments de leurs charges : « De sorte que, dit Loyseau, cela se trouvant tout accoutumé et établi lors de la réunion des anciens duchés et comtés à la couronne, nos rois se laissèrent emporter eux-mêmes à continuer cette mauvaise coutume 1 ».

Ce n’était pas encore la vénalité : mais c’était déjà le trafic de certaines charges qui jusqu’alors n’étaient pas dans le commerce. Et les contemporains ne s’y méprirent pas : une vieille chronique citée par Loyseau nous rapporte même que « le roi Philippe le Bel, poursuivant la canonisation du roi saint Louis en fut refusé d’abord par le pape Boniface VIII, parce qu’il fut trouvé qu’il avait mis à ferme les bailliages et les prévôtés ».

D’autre part et même en ce qui concerne les autres offices, la vénalité se pratiquait déjà, clandestine et illicite, entre particuliers. Le candidat à un office payait au titulaire le prix de sa démission, et il était bien rare qu’il ne fût pas nommé à sa place. De nombreuses ordonnances furent rendues dans le cours du xv c siècle pour empêcher ce trafic ; de leur côté, les Parlements poursuivirent sévèrement les prévaricateurs et n’hésitèrent pas à maintes reprises à les destituer. Mais ces ordonnances et ces arrêts restèrent impuissants et, suivant les expressions de Loyseau, jamais les particuliers ne s’émani. Loyseau. Du Droit des offices, liy. III, ehap. i cp , n° 70.


OFFICES (Vénalité des)

cipèrcnt de vendre les offices en cachette ». L’ordonnance de 1498 qui enjoignit à tout magistrat de jurer, lors de sa réception, « qu’il n’avait baillé, directement ou indirectement, aucune chose pour avoir été institué », ne fut pas plus efficace : elle ne fit qu’ajouter le scandale du parjure à la vénalité.

Cette ordonnance de 1498 fut d’ailleurs la dernière qui prohiba la vénalité des offices. Les mœurs qui avaient introduit cet abus étaient plus fortes que les lois : et la royauté, dont les finances étaient épuisées à la suite des guerres désastreuses d’Italie, ne poussa pas plus loin la résistance ; elle songea, au contraire, à tirer parti d’un mal contre lequel elle ne pouvait rien, et elle demanda à la vente des offices les ressources dont elle avait besoin.

Ce fut le roi Louis XII, l’auteur même de l’ordonnance de 1498, qui entra le premier dans cette voie, en rendant vénaux les offices de finances. Il le fit, dit l’historien Nicolas Gilles, à l’imitation des Vénitiens « qui, ayant dépensé plus de cinq millions de ducats à la guerre qu’ils avaient contre lui, s’avisèrent, pour remplir leur trésor tout épuisé, de vendre les offices de leur république, dont l’histoire dit qu’ils retirèrent 100 millions. De sorte que le roi Louis XII les voyant si promptement relevés par cette invention, ne se put empêcher de s’en aider, au prix que la nécessité urgente l’y contraignait. » Le roi François I er alla plus loin. Il étendit d’abord la vénalité aux offices de judicature. De plus, tandis que Louis XII n’avait établi la vénalité des offices de finances que comme un expédient temporaire qu’il avait même supprimé par sa déclaration de Rouen du 21 octobre 1508, François I er , au contraire, revendiqua nettement, comme une de ses prérogatives essentielles, le droit de créer des offices suivant son bon plaisir et de s’en faire un revenu permanent en les concédant à prix d’argent. Il établit même à cet effet un bureau des parties casuelles, « pour servir de boutique à cette nouvelle marchandise », suivant l’expression énergique de Loyseau : et les offices de judicature, comme les offices de finances, s’y vendaient à l’encan, au plus offrant et dernier enchérisseur. Le principe de la vénalité des offices était désormais établi ; à partir de ce moment, il prit un développement inouï sous l’influence des besoins sans cesse grandissants de la royauté. On ne se contenta plus, en effet, de vendre les anciennes charges et même d’en multiplier le nombre à l’infini et hors de toute proportion avec l’état du pays. On en créa de nouvelles d’une utilité plus que