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PARTICIPATION AUX BÉNÉFICES — 434 - PARTICIPATION AUX BÉNÉFICES d’étudier la question* Au nom même de l’intérêt du principe de la participation , le rapporteur, M* J.-B. Gauthier, s’éleva contre la proposition. Il signala de nombreuses difficultés, entre autres celles-ci : le personnel pour ces sortes de travaux n’est pas toujours permanent ; — la comptabilité spéciale à établir offrirait des complications, surtout pour les industriels ou entrepreneurs peu familiarisés avec la comptabilité ; — cette obligation de laisser prendre connaissance de la comptabilité mettrait à nu la situation de certaines maisons et nuirait à leur crédit ; à cause des rabais souvent très forts, dans les adjudications de travaux publics, les bénéfices sont très incertains ; — souvent des procès viennent arrêter le payement des entrepreneurs par l’État, etc. On vient de faire une nouvelle proposition de loi dans le but d’imposer la participation en matière de travaux publics. Il est donc intéressant de rappeler cette protestation et d’y joindre la déclaration suivante faite par le Congrès international de la participation auxbénéfices, ouvert àParisle 19 juillet 889 : « La participation aux bénéfices ne peut pas être imposée parVÉtat : elle doit résulter uniquement, suivant les circonstances, de l’initiative du patron ou d’un vœu librement accepté par lui au même titre que toute autre convention relative à la rénumération du travail ».

. Historique.

Si on laisse de côté le métayage, qui en est la forme la plus ancienne, c’est en France, dans l’industrie du bâtiment, que la participation aux bénéfices semble avoir été appliquée pour la première fois. En 1842, Leclaire, ancien ouvrier peintre, la mit en pratique et il mourut en 1872, laissant, dit- on, une fortune personnelle de plus d’un million. Cependant les bénéfices payés aux ouvriers atteignaient en 1880 un total de 2 367 517 francs ; de plus, trente-quatre retraités et dix veuves recevaient des pensions de J000 et de 500 francs.

D’après la déposition faite par M. Marquot, l’un des directeurs de l’ancienne maison Leclaire, à l’enquête de la commission extraparlementaire des associations ouvrières (1888), voici quel était, en 1883, le système de la répartition des bénéfices dans cette entreprise : 75 p. 100 des bénéfices nets étaient accordés aux ouvriers ; 25 p. 100 étaient versés à la caisse de la société de prévoyance pour servir les rentes aux pensionnaires ; 50 p. 100 étaient payés en espèces chaque année aux ouvriers ayant travaillé dans la maison.

Les ouvriers ne participaient pas individuellement aux pertes, mais ils y participaient collectivement. Comme ils étaient commanditaires par la société de prévoyance pour une somme de 200 000 francs, cette somme pouvait être employée à combler les pertes dans les mauvaises années. En outre, une retenue de 10 p. 100 sur les bénéfices annuels constituait un fonds de réserve. La répartition était calculée au prorata des salaires annuels de chaque ouvrier. Le contrôle de la gestion était fait par deux délégués nommés par eux et chargés de vérifier, avec le président de îa société de prévoyance, si les eomptes étaient faits conformément aux statuts sociaux.

Les 50 p. 100 répartis aux ouvriers représentaient une augmentation de salaire de fr. 15 l’heure, ce qui formait aunuellement ? pour chaque ouvrier, une somme de 400 à / 420 francs et malgré cela les salaires étaient supérieurs au maximum du tarif de la ville. / Le succès de cette institution est dû à la dis-/ cipline étroite établie par son fondateur ; Leclaire put former un noyau d’ouvriers d’élite dont l’éducation économique lui permit de tenter une organisation compliquée. En 1848, la question de la participation fut agitée bien des fois dans les réunions politiques ; malgré les efforts de Louis Blanc, aucune conclusion pratique n’en sortit et rien n’aboutit.

L’industrie privée fut plus heureuse. La participation fut établie avec succès en 1862, dans l’entreprise de couverture et plomberie de M. Goffinon. De 1842 à 1871, on compte vingt-deux exemples. Depuis 1871, adoptée tout d’abord par M. Chaix, qui a renouvelé avec succès une tentative faite en vain par son père en 1848, elle a été appliquée dans notre pays par soixante-huit maisons ou sociétés. On peut citer : le Bon Marché, la papeterie de M. Laroche- Joubert à Angoulême, la C ie d’Orléans, la Compagnie d’assurances l’Union, la Compagnie du canal de Suez, le familistère de Guise, fondé par Godin, etc.

En Angleterre, la participation semble avoir eu quelques succès dans certaines exploitations rurales où elle a été appliquée dès 1830. Elle a dû être supprimée après dix ans d’essais dans les houillières de MM. Henry Briggs fils et C lft . Les résultats précis de plusieurs maisons industrielles nous sont à peu près inconnus. M. Victor Bôhmert lui-même ne semble pas avoir été renseigné à ce sujet par les écrivains anglais qui accusent, presque tous, les traders unions d’arrêter ^ le développement régulier delà participation chez eux.