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PATRONAGE

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PATRONAGE

étrange attitude des ouvriers vient de l’extrême influence qu’exercent sur eux les détaillants, ennemis nés des sociétés coopéraratives et des économats, influence dont on voit des marques nombreuses et incessantes et qui surprendrait, puisqu’elle est toute contraire à leur intérêt, si l’on ne connaissait leur extrême faiblesse de caractère, l’attrait dominateur qu’exerce sur eux le cabaret, surtout le cabaret qui fait crédit 1 . Les patrons emploient donc plutôt le système des remises ; ils traitent avec des fournisseurs qui consentent un rabais sur les prix courants et offrent certaines garanties du côté de la qualité des denrées ; ou bien ils remettent la direction du magasin et des achats (de la Société coopérative comme on dit alors) aux mains des ouvriers, se bornant à garder une voix dans le conseil d’administration et à fournir à l’institution des commodités spéciales : avances d’argent, allocation d’un local à titre gratuit, transport gratuit, etc. 2 . Les compagnies de charbonnages font, en outre, à leur personnel des distributions gratuites de combustible.

Pour les raisons qui viennent d’être indiquées, ces utiles institutions qui pourraient diminuer sensiblement le prix de la vie courante pour les familles ouvrières n’ont pas eu le développement ni le succès qu’on aurait dû attendre.

i. Les institutions de récréation, — Sociétés musicales, de gymnastique, de tir, etc., sont organisées dans un grand nombre d’établissements par les soins et avec les subsides du patron, mais administrées, en partie au moins, par le personnel. Le but de ces institutions est d’occuper honnêtement les ouvriers pendant leurs loisirs, aussi ne les trouve-t-on guère dans les usines de campagne, où le personnel est tout rural et adonné à la culture. L’idéal qu’elles doivent se proposer est de détourner du cabaret sans détourner de la famille.

, ;. La participation aux bénéfices. — C’est la dernière forme des institutions patronales et la plus discutée (V. Participation aux bénéfices). Pour certains socialistes, en effet, l’ouvrier a un droit véritable sur les profits du patron ; cette prétention a passé dans les cahiers des charges des travaux à adjuger pour . Les économats, comme les sociétés coopératives, ont pour règle la vente au comptant. Toutefois quelques fabricants admettent, dans une proportion limitée, la vente de denrées payables par retenues sur le salaire courant, % C’est îe moyen employé par la Compagnie d’Orléans. Elle fut du reste poursuivie en justice par les détaillants ligués, qui lui contestaient le droit d’avoir un magasin de denrées même pour son personnel. Les détaillants perdirent leur procès, car la Compagnie ne vendant pas au public ne faisait pas acte de commerce.

le compte de la ville de Paris. Ces cahiers, rédigés en conformité des votes du conseil municipal, portaient que les entrepreneurs ne seraient admis a concourir que s’ils s’engageaient à donner à leurs ouvriers, outre un salaire très élevé (série des prix de la ville), une quote-part dans les bénéfices. Il est à peine besoin de réfuter de telles théories et de telles prétentions. Le chef d’entreprise qui supporte seul les pertes (car jamais en ce cas les ouvriers ne rapporteront la moindre part de leur participation antérieure ) a seul, aussi, droit au bénéfice. En dehors du salaire, les ouvriers n’ont rien à prétendre. Mais ce que le patron n’est point tenu de faire, ni légalement ni en équité stricte , il peut vouloir le faire par bienveillance, il peut vouloir distribuer une part de ses bénéfices à ceux qui l’ont aidé à les gagner. Il est bienfaisant ; ses entreprises ont été heureuses ; ceux qu’il emploie, d’autre part, ont un faible gain, pourquoi lui serait-il interdit de l’accroître ? Pourquoi même, afin de stimuler ceux qu’il emploie, de se les attacher, de les intéresser au succès de la maison, ne s’engagerait-il pas à leur distribuer une quotepart de ses profits ? C’est ce que font un certain nombre d’industriels dans l’intérêt de leurs ouvriers et employés comme dans le leur propre. Mais il faut d’abord poser en règle que cet engagement du patron est un bienfait de sa part, lequel, par conséquent, ne confère aucun droit à ceux qui en profitent ; ils ne peuvent donc pas, comme ferait un commanditaire ou un intéressé ordinaire, exiger la production des livres ou tout autre moyen de preuve analogue ; un bienfait ne donne pas droit de contrôle.

La quotité du bénéfice réparti, aussi bien que le mode de répartition, présente une variété infinie. Mais la plupart des patrons ont admis en principe que cette libéralité de leur part devait être le prix d’un certain attachement à leur maison ; ils n’admettent donc à la participation que ceux qui ont un certain temps de présence ; d’ordinaire l’importance de la part s’accroît avec le nombre d’années passées dans l’établissement. Comment se fait la répartition des sommes ? Parfois en espèces, mais rarement, car l’expérience montre que l’ouvrier emploie mal d’ordinaire cet argent qui lui survient tout à coup. Le plus souvent, le patron l’emploie à constituer des retraites aux bénéficiaires pour le cas de vieillesse ou infirmité. Comme i^ alors le bienfait n’est pas senti des ouvriers, en certaines maisons on leur distribue à fin d’année une partie du dividende, l’autre est affectée en leur nom à une œuvre de prévoyance. Quelques établissements font deux