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PATRONAGE

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PATRONAGE

sèdent, le patronage qui est exercé ailleurs par des particuliers bienfaisants. Nulle part le patronage n’est aussi rare qu’en Angleterre, la première pourtant des nations industrielles, où l’agriculture même, par une exception qui ne se trouve guère ailleurs, est pratiquée à la manière d’une indus trie. Les salaires y sont ordinairement plus élevés que sur le continent et les patrons semblent, en dehors du travail, se désintéresser absolument de ceux qu’ils emploient Ces derniers ont formé de puissantes sociétés (V. Syndicats professionnels) qui ont pour but à la fois de procurer à leurs membres les meilleures conditions de travail et de les aider dans les moments difficiles : maladies, accidents, chômages, décès dans la famille. L’habitude des assurances est très répandue même parmi les ouvriers et petits employés. De nombreuses sociétésprivées ont leur clientèle parmi la classe laborieuse du Royaume-Uni. Nulle part les sociétés coopératives de consommation ne sont aussi florissantes. L’ouvrier anglais obtient donc par lui-même, au moins dans une certaine mesure, ce que les ouvriers du continent dont l’initiative est moindre reçoivent des institution s patronales. Il en est de même aux États-Unis où le peu de stabilité des industries et du personnel, ainsi qu’un fort esprit d’égalité qui fait regarder avec défiance tout ce qui est protection et supériorité, empêchent tout patronage. Les institutions de la maison Pulmann (fabriques de wagons) qui comprennent, avec une cité ouvrière, les institutions patronales les plus complètes, sont un rare exemple du contraire.

. Ce qui nuit au patronage.

Ce qui lui nuit ce n’est point seulement cet esprit d’envieuse égalité qui fait supporter avec impatience tout bienfait venant d’un homme supérieur par sa position sociale et par sa richesse ; ce n’est point seulement l’esprit d’hostilité contre le patron, esprit trop fréquent de nos jours’et qui met en défiance contre tout ce qui vient de lui, ce sont encore et surtout les lois qui mettent à effet le socialisme d’État.

Voici des patrons, compagnies ou individus, qui ont, de leur initiative et par d’incessants sacrifices, établi pour leurs ouvriers des caisses d’assurance contre la maladie, contre les accidents, contre la vieillesse, et l’État vient dire : « Désormais ces caisses ne seront plus facultatives, elles seront forcées ; l’ouvrier y perdra peut-être 1 , mais au lieu ■1. Dans les mines saxonnes (d’après M. Claudio Jannet, Socialisme d’État), la contribution forcée des compagnies patronales aux caisses pour les ouvriers est de 53 francs par d’organisations variant avec les lieux, avec les ressources, avec le vouloir des intéressés (ouvriers et patrons), on aura une règle unique, invariable, la même pour tout le pays. Ouvriers, ce patron dont vous avez senti les bienfaits n’est plus désormais et de par la loi que votre débiteur ; il ne donnera plus parce qu’il est généreux, mais parce qu’il va être contraint de le faire ; vous ne lui devrez donc plus aucune reconnaissance. » Est-ce ainsi qu’on prétend établir cette union si nécessaire entre l’ouvrier et le patron ?

Ces bons rapports obtenus souvent avec 

tant de peine, une loi brutale les détruira d’un coup. Un patron bienfaisant d’un pays soumis aux expériences du socialisme d’État le savait bien dire, a Du moment, écrivait-il, où malgré tout ce qu’ils ont fait spontanément, on impose dans un but socialiste aux fabricants une loi des fabriques que rien ne justifie, on ne doit pas s’étonner si ceux-ci, voyant l’État interposer sa lourde main, laissent à l’État le soin de prendre désormais les mesures nécessaires. Autrefois, des fabricants bienfaisants pouvaient s’imposer des sacrifices pour améliorer le sort de leurs ouvriers, mais aujourd’hui... on ne doit plus s’attendre à ce qu’ils fassent de nouveaux efforts dans l’intérêt de leurs coopérateurs. » Il écrivait cela après la mise en vigueur de la loi fédérale suisse sur les fabriques, moins funeste cependant à l’initiative privée que les lois sur l’assurance forcée contre la maladie, les accidents, la vieillesse, votées en Allemagne et dans quelques États voisins. Ce sont de telles lois qui ruinent assurément les principales institutions patronales et contribuent ainsi à rompre le lien qui unissait les chefs d’industrie et leur personnel, conséquence funeste pour la paix des ateliers que les partisans de ces lois devraient bien prendre en considération.

Hubert- Valleroux.

Bibliographie.

L’erposition de la Section d’économie sociale, en 1889, comprenait des documents très nombreux et récents sur les institutions ouvrières et en particulier sur les institutions de patronage des principaux établissements français et belges : par exemple, les Rapports de la section pour le département du Rhône et les Institutions ouvrières et sociales du département du Nord (Lyon et Lille, 1889). Le Rapport général et les rapports de section sur l’exposition d’Économie sociale de 1889 forment 2 volumes publiés par l’Imprimerie nationale en 1890. Le Rapport général est de M. Léon Say ; les rapports de section sont de MM. C. Laouvrier. Dans les mines françaises, la contribution volontaire pour le même objet dépasse souvent 100 francs par ouvrier. L’une des moindres est celle d’Epinac qui, sans distribuer de dividendes, alloue encore 86 francs par ouvrier. . Lettre de M. Bertheau-Hûrlimann, âlateur à Saint-Gall, citée par M, René Lavollée, Classes ouvrières en Europe. Suisse, ch. u.