Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/457

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

PAUPÉRISME

— 453 —

PAUPÉRISME

ii/

A

de famille, les charges de la famille, la vieillesse, etc. Quelques-unes de ces causes, ■comme la maladie, ont un caractère tout particulier : elle produisent, .pendant leur durée, l’indigence, même chez les individus que les habitudes de travail et de prévoyance en éloignaient le plus ; mais souvent la misère survit à la cause et subsiste après qu’elle a disparu. Ces causes ont également ceci de caractéristique que, chez les individus atteints déjà de misère, mais non ■encore à la charge de la charité publique, elles aggravent le mal et commandent l’assistance. Enfin, quelques-unes de ces causes impliquent des secours d’une nature spéciale : la maladie, la vieillesse, par exemple, ^exigent souvent l’hospitalisation de l’indigent. Les causes accidentelles peuvent être .générales et jeter la désolation parmi des populations entières ; il en est ainsi d’une ■mauvaise récolte, d’une inondation, d’une épidémie, etc. La disette était le grand fléau des siècles passés ; elle n’est plus guère ■à craindre aujourd’hui.

, Enfin, nous arrivons aux causes imputables

à la faute ou à la négligence de l’individu.

Le vice et l’ivrognerie sont les plus grands agents de la misère. Il faut citer sur la même ligne certaines faiblesses, qui, pour être moins coupables, n’en sont ni moins fatales, ni moins dangereuses au point de vue des conséquences qu’elles sèment : l’imprévoyance, plus grave, mais en même temps plus fréquente chez le prolétaire que chez l’homme aisé, la paresse, la sensualité ■enfin : celle-ci, quand elle est doublée de l’imprévoyance, est une des causes qui engendrent nécessairement l’indigence. Plus rare a la campagne, où, d’ailleurs, le grand nombre des enfants constitue plutôt une richesse qu’un malheur, elle se montre avec un caractère intense dans certains centres industriels. Ainsi que l’absence de l’esprit d’économie, il semble qu’elle atteigne plus ■spécialement les ménages pauvres ; n’est-ce pas, du reste, une autre forme de l’imprévoyance ?

N’est-ce pas l’imprévoyance s’appliquant 

à un autre objet et multipliant les •charges, sans se préoccuper des ressources ? (V. Population.)

. Nous n’avons pas épuisé la série des causes ■de la misère. Elles sont de celles dont l’énumération ne peut être donnée entière. Il en ■estbien une dernière qui, à notre sens, ne détermine pas, par elle-même, l’indigence, mais peutla susciterd’une manière médiate etindirecte : c’est l’ignorance. Celle-ci ne produit pas nécessairement la misère : nous connaissons de braves ouvriers ne sachant ni lire ni écrire -et qui, à force d’énergie et d’économie, ont franchi peu à peu tous les échelons de l’aisance et même de la fortune ; à l’inverse, nous en avons vu d’autres qui, malgré une ins- 1 truction primaire assez complète, échouaient à l’entrée de leur carrière. Toutefois l’ignorance explique bien des maladies, dues à un défaut d’hygiène ; elle entraîne fréquemment des habitudes fâcheuses ; elle ne permet pas au travailleur d’obtenir une rémunération élevée et de pouvoir choisir une profession lucrative. Dans les consommations, elle l’empêche parfois de profiter des économies possibles et de comprendre notamment le bénéfice des achats au comptant. Il ne faudrait toutefois pas exagérer, et il n’est pas douteux qu’une intelligence native, vive et ouverte, assure à celui qui en est doué les avantages ou les qualités que donne l’instruction. Gela ne nous empêche pas toutefois d’applaudir aux efforts qui ont été tentés depuis quelques années pour le développement de l’instruction populaire dans les classes ouvrières. . État actuel.

Il serait très difficile d’indiquer, par des chiffres, le nombre des indigents en France. Une telle statistique ne pourrait être faite que par l’indication du nombre de pauvres secourus par les bureaux de bienfaisance ; or, chacune de nos communes n’est pas dotée d’un bureau ; il y a même à peine un bureau sur deux communes (Bureaux de bienfaisance) ; on risquerait donc d’omettre une assez grande quantité de pauvres. A l’inverse, dans les communes pourvues de bureaux, les commissions administratives inscrivent sur leurs listes des individus qui ne sont pas, à vrai dire, des indigents, mais qui sont les plus pauvres des habitants ; tel individu, par exemple, qui reçoit les secours du bureau de bienfaisance, est un ouvrier valide, marié à une femme également valide, travaillant tous les deux, mais ayant à élever une famille de quatre ou cinq enfants. Nous pensons donc qu’il faut, en ce qui concerne la statistique comparée du nombre des indigents à diverses époques, renoncer à toute prétention de précision. A. de Villeneuve-Bargemont évaluait le nombre des indigents en France à 1 329 000 en 1829 ; c’était a peu près 1 indigent sur 25 habitants ; en 1837, le nombre des indigents secourus par les bureaux de bienfaisance était de 806 000 ; mais il n’existait alors que 6715 bureaux. En 1860, il y avait 11 351 bureaux, soit près du double : le nombre des personnes qu’ils assistaient montait à 1 159 000. En 1883, on comptait 14 485 bureaux, distribuant des secours à 1 405 552.

Pour Paris, il serait possible d’avoir des