Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/82

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maritime sous ces trois conditions : 1° l’expression de sa volonté de renoncer à la navigation ; 2° sa renonciation effective à la navigation ; 3° un délai d’un an entre sa demande et sa radiation des matricules. L’inscription définitive constitue la charge la plus lourde des inscrits. Durant tout le temps qu’elle dure, l’inscrit peut être appelé a servir dans l’armée de mer : sa dette militaire dure donc trente-deux ans. Tout ce temps n’est pas, bien entendu, un temps de service effectif ; seulement, de dix-huit ans à cinquante ans, l’inscrit peut toujours être appelé au service militaire en vertu d’un décret du chef du pouvoir exécutif. L’organisation actuelle donne de 105 000 à 110 000 inscrits définitifs, et environ 90000 inscrits des autres catégories ; en tout, environ deux cent mille Français du sexe maculin qui sont astreints à des lois spéciales et forment comme un peuple à part dans la nation.

. Historique.

L’organisation de l’inscription maritime porte la marque d’un autre âge et d’époques disparues. Ses origines remontent à Golbert ; ce fut lui qui entreprit d’obliger légalement tous les gens de mer valides au service militaire. A cette époque, la théorie que l’impôt du sang est dû par le citoyen comme tout autre impôt ne pouvait être connue. Cette théorie est juste à l’opposé des idées qui régnaient alors et qui faisaient du service militaire le privilège du gentilhomme. La guerre appartenait à une caste de la nation. En forçant les populations maritimes à un service militaire permanent, l’idée devait infailliblement venir, en ces temps -là, de leur accorder des privilèges, de les organiser à part dans la nation, d’en faire aussi une caste. Et e’est bien à peu de chose près le résultat auquel on est parvenu, en partant des principes établis au début par Colbert. Avant lui, le seul moyen usité pour fournir de matelots les vaisseaux de la marine royale, c’était la presse ; en cas de guerre les officiers du roi s’emparaient de gré ou de force de tous les matelots qui se trouvaient à leur portée ; on fermait les ports au besoin, pour empêcher la sortie des navires de commerce dont on enlevait alors l’équipage. Ces procédés amenaient des violences, des rixes, des émeutes, et aussi la désorganisation complète du commerce maritime. Dés 1620, Richelieu avait imaginé la tenue de registres d’enrôlement. Perfectionnant cette idée, Colbert institua les classes de la navigation : il divisa les provinces maritimes en départements ; dans chacun de ceux-ci, les marins étaient partagés en trois classes au moins,

— INSCRIPTION MARITIME 

cinq au plus, suivant leur nombre et les besoins de l’armement ; chaque classe était à son tour, et pendant une année, à la disposition de la marine de guerre ; les hommes qui la composaient devaient passer au moins six mois sur un navire de l’État ; pendant le reste d’î l’année, ils recevaient dans leur commune une demi-solde et étaient de plus,, autorisés à naviguer à leur profit quand on ne prévoyait pas avoir besoin de leurs services. Des privilèges étendus, tels que exemption de tailles, de corvées, etc., étaient ou, devaient être accordés aux marins. Enfin, la caisse des invalides de la marine devait assurer leur existence sur leurs vieux jours. Les principes de cette organisation furent établis par l’ordonnance du 22 septembre 1668, complétée et mise en pratique par les ordonnances de 1669 et 1670, et par celle du 23 septembre 1673. Toutefois la caisse des invalides ne fonctionna véritablement qu’à partir de 1709.

Colbert s’était flatté de mettre fin à tous les abus auxquels donnait lieu la pratique de la presse, d’introduire la régularité et la justice dans les rapports du pouvoir avec les gens de mer, d’assurer le sort de ceux-ci et en même temps de pourvoir au recrutement des armées navales de son maître, tout en respectant les besoins du commerce. De son vivant même, l’institution ne donna pas tous les résultats qu’il en espérait. Les marins fournis par les classes ne suffisaient pas à assurer tous les services du navire de guerre ; il fallut avoir recours à la création d’une école spéciale pour former des canonniers. Dans la levée des classes, il y eut du désordre. L’administration de ce temps n’était pas assez perfectionnée pour conduire une machine aussi délicate et compliquée que cellelà. Les armements exagérés et sans cesse renouvelés du roi Louis XIV obligèrent son ministre à recourir aux anciens procédés de violence, à la presse, à la fermeture des ports. Colbert put croire qu’il avait manqué son but. Ce fut pis encore après sa mort et celle de Seignelay, son fils et successeur au département de la marine. La réglementation imaginée par Pontchartrain en 1693 eut pour effet de dépeupler nos côtes. Exagérant les conséquences du système des classes, Pontchartrain prétendait obliger tout fils de marin à devenir marin lui-même, et à ne pouvoir jamais changer de profession durant toute son existence. Le désordre chronique dans les finances qui fut la plaie de la fin du règne de Louis XIV et des règnes de ses deux successeurs, vint ajouter aux difficultés. Vers le milieu du xvm e siècle, la profession de marin, au rapport même des com-