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B. Abondance ou rareté. — Ce niveau commun ne dépend pas seulement de la producti-

! vite, mais de l’abondance ou de la rareté du 

capital.

Il est à noter qu’il ne s’agit ici que du capital disponible ou pouvant le devenir facilement. En effet, l’offre ne comprend que les capitaux inoccupés ou ceux qui peuvent aisément se dégager des entreprises où ils sont employés — et rentrer dans la circulation. Quant aux capitaux engagés à long terme, ils ne sont plus offerts et n’entrent pas en concurrence.

Ainsi qu’on le démontrera plus loin, la rareté du capital, partout où elle existe, est une cause prépondérante qui détermine infailliblement un taux élevé d’intérêt. Elle provoque même des abus, ainsi qu’il arrive partout où la concurrence fait défaut, et donne naissance à l’usure, c’est-à-dire à l’exploitation des besoins, des passions ou de l’inexpérience de l’emprunteur, ■ Ces résultats se font de moins en moins sentir à mesure qu’une bonne organisation du crédit facilite la circulation du capital, ou que de nouveaux moyens de communication permettent l’accès de capitaux étrangers. Les écarts, quelquefois très grands, qui se produisaient autrefois dans le prix des capitaux, suivant les lieux, tendent à s’effacer au fur et à mesure de la solidarisation des divers marchés ; et, d’autre part, là où la concurrence est active l’usure n’existe plus qu’à l’état d’exception.

C. Sécurité. — Indépendamment des circonstances que nous venons de décrire, la quotité de l’intérêt dépend des risques que le prêt peut faire courir au capital. Celui-ci est d’une excessive sensibilité à l’endroit des conditions de sécurité qui lui sont faites : si ces conditions sont douteuses, le capital cesse de s’offrir ou, tout au moins, il accroît ses exigences. Celui qui est sollicité de prêter son capital sans avoir la certitude de le recouvrer à l’échéance est peu disposé à s’en dessaisir, à moins de trouver dans un supplément de revenu une compensation à ce danger.

L’intérêt peut ainsi, dans certains cas et suivant l’étendue des risques courus, s’élever au-dessus de la valeur réelle du prix de location du capital. Nous ne nous attarderons pas à démontrer ici la légitimité d’une rémunération supplémentaire destinée à permettre la reconstitution éventuelle du capital exposé. Ce procédé de compensation des risques est nécessaire à la conservation du capital exposé.

Les risques qui pèsent sur un capital prêté sont d’origines diverses ; les uns dépendent des conditions politiques et sociales du pays ; d’autres sont inhérents à la nature du. capital et à l’emploi qui en doit être fait ; d’autres enfin proviennent des conditions personnelles du débiteur.

a) L’organisation politique et sociale d’un pays exerce une influence directe sur la sécurité générale des transactions. Cette sécurité est autre en temps de paix qu’en temps de guerre ou aux époques d’anarchie ; elle dépend aussi de la protection que la loi accorde à la propriété, des garanties dont elle entoure les droits et les engagements, de la bonne organisation et de l’intégrité de la justice, enfin du degré d’honnêteté des populations et de la loyauté qui préside à l’exécution des contrats.

) Des risques spéciaux découlent encore des circonstances particulières qui accompagnent chaque prêt. On conçoit, en effet, que les dangers que le prêteur peut courir en confiant son capital à des mains étrangères diffèrent selon l’emploi auquel ce capital est destiné et selon les garanties offertes par l’emprunteur.

La nature même du capital prêté est loin d’être indifférente, le capital fixe conserve toujours son identité facile à ressaissir et se trouve en outre souvent garanti par des privilèges et hypothèques accordés par la loi ; les intérêts eux-mêmes sont quelquefois privilégiés (fermages). Il en est tout autrement du capital circulant : celui-ci est consommé par l’usage et disparait dans la production ; la valeur doit en être reconstituée et même accrue après chaque opération. Toute entreprise comporte une certaine proportion de chances mauvaises ; on peut ne réaliser aucun bénéfice ou même ne pas récupérer intégralement le capital avancé ; ces risques sont constants et, s’ils ne sont pas couverts, ils finissent au bout d’un temps par dévorer le capital. Ainsi s’explique la différence entre le taux d’intérêt pratiqué dans tes prêts civils et les prêts commerciaux, le contrat maritime et le contrat terrestre.

C’est encore par les risques résultant de l’emploi du capital que l’on peut expliquer, mais non justifier, l’intérêt excessif exigé des prodigues qui cherchent des capitaux pour satisfaire à leurs goûts de dissipation ou des personnes qui ont recours au crédit pour subvenir aux besoins de la vie. La science économique, qui ne reconnaît d’autre base à l’intérêt que la productivité du capital et qui assigne pour rôle au crédit de faciliter la production en transportant les capitaux des mains inertes ou inhabiles aux mains actives et industrieuses, réprouve les emprunts quin’ont pas d’autre but que la consommation