Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 2.djvu/91

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réseau. De même, les capitaux consacrés à des constructions urbaines sont de moins en moins productifs, parce que les meilleurs emplacements ont été les premiers occupés et que le produit diminue à mesure que l’on s’éloigne du centre. De même encore les mines, au fur et à mesure de leur épuisement, exigent des travaux de plus en plus coûteux, comme les puits de pétrole qui nécessitent périodiquement de nouveaux forages et de nouveaux capitaux. D’une manière générale, la diminution de rendement que l’on observe pour les nouvelles entreprises dans certaines branches de production rappelle cet or de la Californie que les premiers chercheurs trouvaient, avec une pioche et que Ton n’obtient maintenant que par des moyens aussi onéreux que compliqués.

° Une seconde source de diminution pour la productivité du capital provient de l’augmentation du prix du travail. Ce n’est pas ici le lieu de s’étendre sur les variations des salaires (voy. ce mot). Bornons-nous à constater que le progrès de la civilisation a pour effet d’augmenter la valeur du travail humain. Si les salaires s’élèvent le plus souvent quand les bénéfices s’accroissent, ils ne baissent pas ordinairement, quand ceux-ci se réduisent, dans la proportion où s’opère cette réduction ; la part faite au travail tend ainsi à grandir à l’inverse de celle du capital.

° Une troisième cause tout aussi générale et profonde contribue, plus activement encore que les précédentes, à réduire progressivement la productivité du capital, c’est la concurrence que les capitaux se font entre eux.

Les nouveaux capitaux ne laissent pas le monopole de la production à ceux qui les ont précédés. Grâce à eux, de nouvelles entreprises se fondent qui, dans chaque branche de la production, viennent rivaliser avec les premières. Devant la concurrence qui s’étend les monopotes disparaissent, les situations privilégiées s’effacent, les bénéfices se réduisent et avec eux, s’affaiblit progressivement la rémunération du capital. Il est inutile d’insister sur ce que la tendance à une moindre productivité du capital est étroitementliée par ses causes à la marche du progrès économique, car il est de la nature de ce progrès d’entraîner avec lui l’amélioration des salaires, l’extension de la concurrence, l’entreprise d’ œuvres de second ordre .moins rémunératrices que les œuvres fonda-* mentales qui ont créé les premières richesses. Le progrès entraîne donc après lui une baisse nécessaire de l’intérêt. Mais comme

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ses allures sont inégales, faites de soubresauts et de retards, voire même de rétrogradations, ainsi la marche décroissante de l’intérêt, loin de suivre un mouvement uniforme et continu, est-elle soumise à des fluctuations diverses.

Il est même un cas où le progrès, par une brusque poussée en avant, a pour premier effet de relever pour un temps le taux de l’intérêt. Ce phénomène se produit notamment à la suite de la découverte de nouveaux emplois très productifs pour le capital. On a pu le constater toutes les fois que des inventions fécondes telles que celles des chemins de fer ou des divers procédés mécaniques appliqués à l’industrie, ont donné des bénéfices élevés permettant de rémunérer plus largement les capitaux qu’elles avaient appelés.

Mais de telles réactions sont essentiellement passagères. Une invention nouvelle absorbe les capitaux dont elle a besoin et qu’elle peut rémunérer ; mais une fois munie, elle n’en sollicite plus et la baisse reprend ses droits ; celle-ci se fait d’autant plus rapide que la transformation a été plus profonde et a produit plus de richesses : le capital disponible, devenant plus abondant, s’offre de toute part et le taux de l’intérêt tend à s’avilir jusqu’au jour où une nouvelle cause vient ralentir ou entraver sa marche. La colonisation des pays neufs, pour des raisons analogues, que nous avons eu déjà l’occasion d’indiquer et sur lesquelles nous aurons à revenir, a pour effet de déterminer ce ralentissement.

Mais, au premier rang des causes de recul que peut rencontrer la marche décroissante du taux de l’intérêt, il faut placer les périodes de guerre ou d’anarchie.

La guerre ne fait pas seulement d’effroyables consommations de capitaux ; la guerre moderne surtout, par les entraves qu’elle apporte à la circulation et à la production, suspend presque absolument la vie économique des peuples. On conçoit que ces perturbations ne se produisent pas sans qu’il en résulte une hausse considérable du taux de l’intérêt.

On peut en dire autant des époques d’anarchie. Le capital, prompt à s’alarmer aux premiers symptômes d’agitation publique, se cache aussitôt pour ne reparaître que timidement au sortir de ces crises et ne se livrer qu’à des prix élevés.

Mais un pays peut arriver à des résultats analogues par des moyens moins violents. Arrivé à la période d’avilissement de l’intérêt, si l’épargne moins rémunérée se ralentit notablement, si le pays s’endort sur