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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

en favoriser la production, il faut que des causes majeures ou des moyens violens, comme des désastres naturels ou politiques, l’avidité ou l’impéritie des gouvernemens, maintiennent forcément d’un côté cette pénurie, qui cause un engorgement de l’autre. Cette cause de maladie politique vient-elle à cesser, les moyens de production se portent vers les routes où la production est demeurée en arrière ; en avançant dans ces voies-là, elle favorise l’avancement de la production dans toutes les autres. Un genre de production devancerait rarement les autres, et ses produits seraient rarement avilis, si tous étaient toujours laissés à leur entière liberté[1].

  1. Ces considérations, qui sont fondamentales pour tout Traité ou Mémoire écrit sur des matières commerciales, et pour toute opération de l’administration relative aux mêmes objets, y sont restées jusqu’à présent presque entièrement étrangères. Il semble qu’on n’ait rencontré la vérité que par hasard, et qu’on n’ait pris la bonne route (quand par bonheur on l’a fait) que par un sentiment confus de ce qui convenait, sans être convaincu, et sans avoir le moyen de convaincre les autres.

    M. de Sismondi, qui paraît n’avoir pas bien entendu les principes établis dans ce chapitre et dans les trois premiers chapitres du livre II de cet ouvrage, cite, comme une preuve que l’on peut trop produire, cette immense quantité de produits manufacturés dont l’Angleterre surcharge les marchés étrangers. (Nouveaux Principes, etc., livre IV, chap. 4). Cette surabondance ne prouve autre chose que l’insuffisance de la production aux lieux où les marchandises anglaises surabondent. Si le Brésil produisait assez pour acheter les produits anglais qu’on y porte, ces produits ne s’y engorgeraient pas. Il faudrait pour cela que le Brésil fût plus industrieux, qu’il possédât plus de capitaux, que ses douanes laissassent toute latitude sur le choix des marchandises qu’on juge à propos d’y porter, que les douanes anglaises ne fussent plus un obstacle à l’entrée en Angleterre des marchandises du Brésil, et laissassent toute liberté sur le choix des retours.

    Le sens de ce chapitre-ci n’est pas qu’on ne puisse pas produire d’une certaine marchandise trop en proportion des besoins, mais seulement que ce qui favorise le débit d’une marchandise, c’est la production d’une autre.

    Le traducteur de cet ouvrage en anglais, M. C. R. Prinsep, a joint à cette note une autre note que voici :

    « Les vues de Sismondi à cet égard ont été adoptées par Malthus, et celles de notre auteur par Ricardo. Il en est résulté une discussion intéressante entre notre auteur et Malthus. Si les argumens contenus dans ce chapitre avaient besoin de confirmation, on la trouverait dans les Lettres adressées à Malthus sur ce sujet et sur quelques autres points de la science, par J.-B. Say. Sismondi, dans les Annales de Législation, a vainement essayé de répondre à Ricardo, et il a passé sous le silence son premier antagoniste. »