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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

qualité jusqu’à quatre francs la douzaine. Il ne le pourrait pas s’il n’y avait point de droits, puisque le consommateur en trouverait de pareilles pour trois francs : on donne donc au fabricant une prime au droit, et cette prime est payée par le consommateur.

Dira-t-on qu’il est bon que la nation supporte l’inconvénient de payer plus cher la plupart des denrées, pour jouir de l’avantage de les produire ; que du moins alors nos ouvriers, nos capitaux sont employés à ces productions, et que nos concitoyens en retirent les profits ?

Je répondrai que les produits étrangers que nous aurions achetés n’auraient pu l’être gratuitement ; nous les aurions payés avec des valeurs de notre propre création, qui auraient employé de même nos ouvriers et nos capitaux ; il ne faut pas perdre de vue qu’en résultat nous achetons toujours des produits avec des produits. Ce qui nous convient le plus, c’est d’employer nos producteurs, non aux productions où l’étranger réussit mieux que nous, mais à celles où nous réussissons mieux que lui, et avec celles-ci d’acheter les autres. C’est ici le cas du particulier qui voudrait faire lui-même ses souliers et ses habits. Que dirait-on si, à la porte de chaque maison, on établissait un droit d’entrée sur les souliers et sur les habits, pour mettre le propriétaire dans l’heureuse nécessité de les fabriquer lui-même ? Ne serait-il pas fondé à dire : laissez-moi faire mon commerce, et acheter ce qui m’est nécessaire avec mes produits, ou, ce qui revient au même, avec l’argent de mes produits ? — Ce serait exactement le même système, mais seulement poussé plus loin.

On s’étonnera que chaque nation soit si empressée à solliciter des prohibitions, s’il est vrai qu’elle n’en recueille point de profit ; et, se fondant sur ce que le propriétaire d’une maison n’a garde de solliciter pour sa maison une pareille faveur, on en voudra conclure peut-être que les deux cas ne sont pas parfaitement semblables.

La seule différence vient de ce que le propriétaire est un être unique, qui ne saurait avoir deux volontés, et qui est encore plus intéressé, comme consommateur de ses habits, à les acheter à bon marché hors de chez lui, qu’à jouir, en sa qualité de producteur, d’un monopole qui ne pèserait que sur lui.

Qui est-ce qui sollicite des prohibitions ou de forts droits d’entrée dans un état ? Ce sont les producteurs de la denrée dont il s’agit de prohiber la concurrence, et non pas ses consommateurs. Ils disent : c’est pour l’intérêt de l’état ; mais il est clair que c’est pour le leur uniquement. — N’est-ce pas la même chose ? continuent-ils, et ce que nous gagnons