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LIVRE PREMIER. — CHAPITRE XVII.

mettre à un droit un peu fort ; car il vaut mieux que ceux qui sont déterminés à faire la contrebande, paient leur prime d’assurance à l’état qu’à des assureurs.

Jusqu’à présent, dans ce paragraphe, la trop grande cherté des grains a été regardée comme le seul inconvénient qui fût à craindre. En 1815, l’Angleterre a redouté d’en voir trop baisser le prix par l’introduction des grains étrangers. La production des grains, comme toute autre production, est beaucoup plus dispendieuse chez les anglais que chez leurs voisins. Cela dépend de plusieurs causes qu’il est inutile d’examiner ici, et principalement de l’énormité des impôts. Les grains étrangers pouvaient être vendus en Angleterre, par le commerce, pour les deux tiers du prix auquel ils revenaient au cultivateur-producteur. Fallait-il laisser l’importation libre, et, en exposant le cultivateur à perdre pour soutenir la concurrence des importateurs de blé, le mettre dans l’impossibilité d’acquitter son fermage, ses impôts, le détourner de la culture du blé, et mettre pour sa subsistance l’Angleterre à la merci des étrangers, et peut-être de ses ennemis ? Ou bien fallait-il, en prohibant les grains étrangers, donner aux fermiers une prime aux dépens des consommateurs, augmenter pour l’ouvrier la difficulté de subsister, et, par le haut prix des denrées de première nécessité, renchérir encore tous les produits manufacturés de l’Angleterre, et leur ôter la possibilité de soutenir la concurrence de ceux de l’étranger ?

Cette question a donné lieu à des débats très-animés, soit dans les assemblées délibérantes, soit dans des écrits imprimés ; et ces débats, où deux partis opposés avaient raison tous deux, prouvent, par parenthèse, que le vice principal était hors de la question elle-même : je veux dire dans l’influence exagérée que l’Angleterre veut exercer sur la politique du globe, influence qui l’a obligée à des efforts disproportionnés avec l’étendue de son territoire. Ces efforts ont dû par conséquent reposer sur d’énormes emprunts, dont les intérêts composent la majeure partie de ses charges annuelles. Les impôts chargent à son tour l’agriculture de frais de production exagérés. Si l’Angleterre, par de fortes économies, remboursait graduellement sa dette, si elle supprimait, graduellement aussi, la dîme et la taxe des pauvres, laissant à chaque culte le soin de payer ses prêtres, elle n’aurait pas besoin de repousser par des prohibitions le grain étranger.

Quoi qu’il en soit, ces discussions, soutenues de part et d’autre avec de grandes connaissances et beaucoup de capacité, ont contribué à jeter un