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LIVRE PREMIER. — CHAPITRE XIX.

Les premiers d’entre eux trouvèrent d’un côté aux Antilles, au Mexique, au Pérou, et plus tard au Brésil, et d’un autre côté aux Indes orientales, de quoi satisfaire leur cupidité, toute grande qu’elle était. Après avoir épuisé les ressources antérieurement amassées par les indigènes, ils furent obligés de recourir à l’industrie pour exploiter les mines de ces pays nouveaux, et les richesses bien plus précieuses de leur agriculture. De nouveaux colons les remplacèrent, dont la plupart conservèrent plus ou moins l’esprit de retour, le désir, non de vivre dans l’aisance sur leurs terres, et d’y laisser en mourant une famille heureuse et une réputation sans tache, mais le désir d’y gagner beaucoup pour aller jouir ailleurs de la fortune qu’ils y auraient acquise ; ce motif y a introduit des moyens violens d’exploitation, au premier rang desquels il faut placer l’esclavage.

Des écrivains philanthropes ont cru ne pouvoir mieux détourner les hommes de cette odieuse pratique qu’en prouvant qu’elle est contraire à leurs intérêts. Steuart, Turgot, Smith, s’accordent à penser que le travail de l’esclave revient plus cher et produit moins que celui de l’homme libre. Leurs raisonnemens se réduisent à ceci : un homme qui ne travaille pas et ne consomme pas pour son propre compte, travaille le moins et consomme le plus qu’il peut ; il n’a aucun intérêt à mettre dans ses travaux l’intelligence et le soin qui peuvent en assurer le succès ; le travail excessif dont on le surcharge abrége ses jours, et oblige son maître à des remplacemens coûteux ; enfin le serviteur libre a l’administration de son propre entretien, tandis que le maître a l’administration de l’entretien de son esclave ; et comme il est impossible que le maître administre avec autant d’économie que le serviteur libre, le service de l’esclave doit lui revenir plus cher[1].

  1. Steuart, Inquiry into The principles of political economy, livre II, chap. 6. Turgot, Réflexions sur la formation et la distribution des Richesses, § 28. Smith, Rich. des Nat., liv. I, ch. 8 ; et liv. III, ch. 2.

    L’un des traducteurs allemands de cet ouvrage-ci, Jacob, remarque, à l’égard de Steuart, que s’il trouve plus cher le travail des esclaves dans les manufactures, il le regarde comme moins dispendieux quand on les occupe comme simples manouvriers.