Page:Say - Traité d’économie politique.djvu/249

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
248
LIVRE PREMIER. — CHAPITRE XXIII.

CHAPITRE XXIII.

Origine de la valeur des Monnaies[1].

La monnaie n’étant qu’un instrument qui sert à faciliter nos échanges, la quantité de monnaie dont un pays a besoin est déterminée par la somme des échanges que les richesses de ce pays et l’activité de son industrie entraînent nécessairement. Dans le cours ordinaire des choses, on ne troque pas des marchandises les unes contre les autres sans motif, et simplement pour faire un troc ; mais pour faire servir les marchandises qu’on échange à la production ou à la consommation du pays. Quand la production est plus active, quand la consommation est plus étendue, on a plus d’échanges à conclure, on a besoin d’une plus forte somme de monnaie. En d’autres mots, ce n’est pas la somme des monnaies qui détermine le nombre et l’importance des échanges ; c’est le nombre et l’importance des échanges qui déterminent la somme de monnaie dont on a besoin.

De cette nature des choses il résulte que, rien n’étant changé d’ailleurs aux circonstances du pays, la valeur de la monnaie décline d’autant plus qu’on en verse davantage dans la circulation. En effet, admettant que le numéraire qui circule actuellement en France s’élève à deux milliards de francs, si, par une cause quelconque, on portait tout à coup ce nombre de francs à quatre milliards, la quantité de produits, de marchandises qui se présenteraient en vente, étant ce qu’elle était, il devient évident qu’on n’offrirait pas plus de marchandises à vendre, tandis qu’on offrirait, pour chaque objet à vendre, un nombre de francs double de ce qu’on en offre à présent ; les quatre milliards ne vaudraient pas plus que les deux milliards, valeur actuelle ; chaque franc ne vaudrait que cinquante centimes. On sent que cette supposition est extrême et inadmissible ; mais ce qui ne l’est pas, c’est une augmentation ou une diminution moins considérable et plus graduelle de la somme des unités monétaires, et un effet proportionnel relativement à la valeur de chaque unité.

Par une suite du même principe, si la population du pays devenait plus

  1. Les variations survenues dans le système monétaire de l’Angleterre, et les bons écrits qu’elles ont provoqués, ont rendu nécessaires d’assez grands changemens dans cette partie du Traité d’Économie politique, ouvrage que l’auteur a toujours cherché à mettre au niveau des progrès bien constatés de la science.