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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

former en une eau limpide, chaque abus, dès sa naissance, pourra être découvert et déconcerté.

Et qu’on ne s’imagine pas que les gouvernemens perdent un avantage précieux en perdant le plaisir de tromper. L’astuce ne leur sert que pendant un temps bien court, et finit par leur causer plus de préjudice qu’elle ne leur a fait de profit. Nul sentiment dans l’homme ne tient son intelligence éveillée autant que l’intérêt personnel ; il donne de l’esprit aux plus simples. De tous les actes de l’administration, ceux en conséquence dont on est le moins la dupe, sont ceux qui touchent à l’intérêt personnel. S’ils tendent à procurer, par la finesse, des ressources à l’autorité, les particuliers ne s’y laisseront pas prendre ; s’ils font un tort dont les particuliers ne puissent se garantir, comme lorsqu’ils renferment un manquement de foi, quelque artistement déguisé qu’on le suppose, on s’en apercevra bientôt ; dans l’opinion qu’on se formera d’un tel gouvernement, l’idée de la ruse se joindra à celle de l’infidélité, et il perdra la confiance, avec laquelle on fait de bien plus grandes choses qu’avec un peu d’argent acquis par la fraude. Souvent même ce sont les seuls agens du gouvernement qui tirent parti de l’injustice qu’on a commise envers les peuples. Le gouvernement perd la confiance, et ce sont eux qui font le profit ; ils recueillent le fruit de la honte qu’ils ont fait rejaillir sur l’autorité.

Ce qui convient le mieux aux gouvernemens, c’est de se procurer, non des ressources factices et malfesantes, mais des ressources réellement fécondes et inépuisables. C’est donc les bien servir que de les écarter des unes, et de leur indiquer les autres.

L’effet immédiat de l’altération des monnaies est une réduction des dettes et des obligations payables en monnaie, des rentes perpétuelles ou remboursables, payables par l’état ou par les particuliers, des traitemens et des pensions, des loyers et fermages, de toutes les valeurs enfin qui sont exprimées en monnaie ; réduction qui fait gagner au débiteur ce qu’elle fait perdre au créancier. C’est une autorisation donnée à tout débiteur dont la dette est exprimée en une certaine quantité de monnaie, de faire banqueroute du montant de la diminution du métal fin employé sous cette même dénomination.

Ainsi, un gouvernement qui a recours à cette opération, ne se contente pas de faire un gain illégitime ; il excite tous les débiteurs de sa domination à faire le même gain.

Cependant nos rois, en diminuant ou en augmentant la quantité de métal fin contenue sous une même dénomination, n’ont pas toujours voulu