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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

circulation, les porteurs de billets n’exigeraient pas leur conversion en métal, parce que des lingots ne se prêtent pas aux besoins de la circulation. Si, par défiance, on se fesait trop rembourser de billets de banque, comme il n’y aurait pas d’autre monnaie, les billets augmenteraient de valeur, et il conviendrait sans doute alors au public de porter des lingots à la banque pour avoir des billets[1].

Il est possible que dans une nation passablement éclairée, sous un gouvernement qui offrirait toutes les garanties désirables, et au moyen d’une banque indépendante dont les intérêts seraient en concurrence avec ceux du gouvernement pour assurer les droits du public, il est possible, dis-je, qu’une pareille monnaie pût être établie avec beaucoup d’avantages ; mais il restera toujours un fâcheux cortége pour toute espèce de papier-monnaie ; je veux dire le danger des contrefaçons, qui, indépendamment de l’inquiétude qu’elles laissent toujours dans l’esprit de possesseurs de billets, ont en Angleterre, pendant l’espace de vingt-cinq années, coûté la vie à bien des condamnés, et en ont fait déporter beaucoup d’autres.

On ne saurait se dissimuler d’ailleurs que la substitution du papier à la monnaie métallique, ne soit toujours accompagnée de certains risques que Smith représente par une image hardie et ingénieuse. Le sol d’un vaste pays figure, selon lui, les capitaux qui s’y trouvent. Les terres cultivées sont les capitaux productifs ; les grandes routes sont l’agent de la circulation, c’est-à-dire la monnaie, par le moyen de laquelle les produits se distribuent dans la société. Une grande machine est inventée, qui transporte les produits du sol au travers des airs ; ce sont les billets de confiance. Dès-lors on peut mettre en culture les grands chemins.

« Toutefois, poursuit Smith, le commerce et l’industrie d’une nation, ainsi suspendus sur les ailes icariennes des billets de banque, ne cheminent pas d’une manière si assurée que sur le solide terrain de l’or et de l’argent. Outre les accidens auquels les expose l’imprudence ou la maladresse des directeurs d’une banque, il en est d’autres que toute l’habileté humaine ne saurait prévoir ni prévenir. Une guerre malheureuse, par exemple, qui ferait passer entre les mains de l’ennemi le gage qui soutient le crédit des billets, occasionnerait une bien plus grande confusion que si la circulation du pays était fondée sur l’or et l’argent. L’instrument des échanges perdant alors toute sa valeur, les échanges ne pourraient plus être que des trocs difficiles. Tous les im-

  1. Voyez Ricardo’s Proposals for an economical and secure Currency, 1816.