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LIVRE PREMIER. — CHAPITRE XXX.


La monnaie restée en circulation doit donc, lorsqu’elle est échangée contre la monnaie de banque, c’est-à-dire, contre des inscriptions à la banque, perdre en proportion de la dégradation qu’elle a éprouvée. De là l’agio, ou la différence de valeur qui s’établissait à Amsterdam, par exemple, entre l’argent de banque et l’argent courant. Ce dernier, échangé contre de l’argent de banque, perdait communément 3 à 4 pour cent.

On conçoit que des lettres de change payables en une monnaie si sûre et si invariable doivent mieux se négocier que d’autres ; aussi remarquait-on, en général, que le cours des changes était favorable aux pays qui payaient en monnaie de banque, et contraire à ceux qui n’avaient à offrir en paiement que de la monnaie courante.

Le dépôt qu’on fait de cette manière à une banque y reste perpétuellement ; on perdrait trop à le retirer. En effet, on retirerait une monnaie bonne et entière, ayant sa pleine valeur originaire ; et lorsqu’on viendrait à la donner en paiement, on ne la ferait plus passer que comme monnaie courante et dégradée ; car la pièce la plus neuve et la plus entière, jetée dans la circulation avec d’autres, se prend au compte et non pas au poids ; on ne peut pas, dans les paiemens, la faire passer pour plus que les pièces courantes. Tirer de la monnaie de la banque pour la mettre en circulation, ce serait donc perdre gratuitement le surplus de valeur que la monnaie de banque a par-dessus l’autre.

Tel est le but de l’établissement des banques de dépôts : la plupart ont ajouté quelques opérations à celles qui découlaient de l’objet principal de leur institution ; mais ce n’est pas ici le lieu d’en parler.

Le bénéfice des banques de dépôt se tire d’un droit qu’on leur paie sur chaque transfert, et de quelques opérations compatibles avec leur institution, comme des prêts sur dépôts de lingots.

On voit qu’une des conditions essentielles à la fin qu’elles se proposent, est l’inviolabilité du dépôt qui leur est confié. À Amsterdam, les quatre bourgmestres, ou officiers municipaux, en étaient garans. Chaque année, à la fin de l’exercice de leurs fonctions, ils le remettaient à leurs successeurs, qui, après l’avoir vérifié, en le comparant avec les registres de la banque, s’obligeaient sous serment à le remettre intact aux magistrats qui devaient les remplacer. Ce dépôt fut respecté depuis l’établissement de la banque, en 1609, jusqu’en 1672, époque où l’armée de Louis XIV pénétra jusqu’à Utrecht. Alors il fut rendu aux dépositeurs. Il paraît que postérieurement le dépôt de la banque ne fut pas si religieusement gardé ; car lorsque les Français s’emparèrent d’Amsterdam, en 1794, et qu’il