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DE LA DISTRIBUTION DES RICHESSES.

On n’exigera pas que j’essaie d’apprécier la force des motifs d’attachement, de parenté, de générosité, de reconnaissance, qui font quelquefois prêter un capital, ou influent sur l’intérêt qu’on en tire. Chaque lecteur doit évaluer lui-même l’influence des causes morales sur les faits économiques, les seuls qui puissent nous occuper ici.

Forcer les capitalistes à ne prêter qu’à un certain taux, c’est taxer la denrée dont ils sont marchands ; c’est la soumettre à un maximum ; c’est ôter de la masse des capitaux en circulation tous ceux qui ne sauraient s’accommoder de l’intérêt fixé. Les lois de ce genre sont si mauvaises, qu’il est heureux qu’elles soient violées. Elles le sont presque toujours ; le besoin d’emprunter et le besoin de prêter s’entendent pour les éluder, ce qui devient facile en stipulant des avantages qui ne portent pas le nom d’ intérêts, mais qui ne sont au fond qu’une portion des intérêts. Tout l’effet qui en résulte est d’élever le taux de l’intérêt par l’augmentation des risques auxquels on expose le prêteur.

Ce qu’il y a de piquant, c’est que les gouvernemens qui ont fixé le taux de l’intérêt, ont presque toujours donné l’exemple de violer leurs propres lois, et payé, dans leurs emprunts, un intérêt supérieur à l’intérêt légal.

Il convient que la loi fixe un intérêt, mais c’est pour les cas seulement où il est dû sans qu’il y ait eu de stipulation préalable, comme lorsqu’un jugement ordonne la restitution d’une somme avec les intérêts. Il me semble que ce taux doit être fixé par la loi au niveau des plus bas intérêts payés dans la société, parce que le taux le plus bas est celui des emplois les plus sûrs. Or, la justice peut bien vouloir que le détenteur d’un capital le rende, et même avec les intérêts ; mais pour qu’il le rende, il faut