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DE LA DISTRIBUTION DES RICHESSES.

térêt, et non de la somme d’argent qui n’appartient plus ni à son prêteur, ni à lui. Si la même somme d’argent doit servir à un nouveau prêt, il faut auparavant que le nouveau prêteur l’acquierre au prix de la valeur capitale qui est en sa possession, et c’est cette dernière valeur, fruit d’une autre accumulation, qui est la valeur prêtée. La même somme ne représente jamais deux capitaux à la fois.

On peut prêter ou emprunter en toute espèce de marchandise de même qu’en argent, et ce n’est pas cette circonstance qui fait varier le taux de l’intérêt. Rien même n’est plus commun dans le commerce que de prêter et emprunter autrement qu’en argent. Lorsqu’un manufacturier achète des matières premières à terme, il emprunte réellement en laine ou en coton ; il se sert dans son entreprise de la valeur de ces marchandises, et la nature de ces marchandises n’influe en rien sur l’intérêt qu’il bonifie à son vendeur[1]. L’abondance ou la rareté de la marchandise prêtée n’influe que sur son prix relativement aux autres marchandises, et n’influe en rien sur le taux de l’intérêt. Ainsi, quand l’argent est venu à baisser en

  1. Il se fait beaucoup de prêts à intérêt qui n’en portent pas le nom et qui n’entrainent pas de transports d’argent. Lorsqu’un marchand en détail remplit sa boutique en achetant au manufacturier ou au marchand en gros, il emprunte à intérêt, et rembourse, soit au terme, soit avant le terme, en retenant l’escompte, qui est la restitution qu’on lui fait de l’intérêt qu’on avait ajouté au prix en lui vendant les marchandises. Lorsqu’un négociant de province fait une remise à un banquier de Paris, et, plus tard, fait une traite sur ce banquier, il lui prête pendant le temps qui s’écoule entre l’échéance de sa remise et le paiement de sa traite. L’intérêt de cette avance est payé par le compte d’intérêt que le banquier joint au compte courant du négociant.

    On lit dans le Cours d’Économie politique que M. Henri Storch a fait pour l’usage des grands-duc de Russie, et qui est imprimé à Pétersbourg (tome VI, page 103), que les négocians ou commissionnaires anglais qui trafiquent en Russie, accordent à leurs acheteurs des crédits de douze mois, dont les Russes profitent pour acheter des marchandises d’un débit prompt et facile, et pour réaliser le prix de leurs achats long-temps avant le moment de les payer. Ils se servent ensuite des fonds jusqu’au terme qu’on leur a laissé ; et l’on voit des négocians de ce pays-là faire entre eux des affaires avec des capitaux réellement anglais, qu’on ne leur a pas prêtés dans ce but.

    Les Anglais retrouvent bien, je présume, les loyers de leurs capitaux dans le haut prix qu’ils vendent leurs marchandises ; mais les profits des capitaux sont si élevés en Russie, que, malgré cette manière onéreuse d’emprunter, les négocians russes peuvent encore faire de bonnes affaires à l’aide de ces emprunts.