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LIVRE SECOND. — CHAPITRE VIII.

dans les entreprises pareilles, avec leur différence moyenne. Ainsi, par exemple, lorsque deux maisons de commerce, situées dans les mêmes circonstances et exerçant la même industrie, avec un capital chacune de cent mille francs, gagnent, année commune, l’une 24,000 francs, l’autre 6,000, c’est-à-dire, en tout 30,000 francs, on peut supposer que le terme moyen de gains de ce genre de commerce, qui comprennent à la fois les profits résultans des talens industriels et ceux des capitaux, s’élève à 15,000 francs. Et si la plus habile industrie a rendu 18,000 francs de plus que la moindre, nous pouvons supposer qu’une habileté moyenne rend 9,000 francs. Or, 9,000 francs, produit d’une industrie ordinaire, déduits de 15,000 francs, produit des talens industriels et des services capitaux réunis, laissent 6,000 francs de profits attribuables au capital seulement, ou 6 pour cent.

Plusieurs économistes, sur ce fondement que les capitalistes donnent toujours la préférence, toutes choses d’ailleurs égales, aux emplois qui rapportent le plus, présument que les profits des capitaux s’égalisent par la concurrence, et que, si nous voyons des capitaux, engagés dans des entreprises périlleuses rapporter de plus gros profits que d’autres, cette supériorité ne provient que d’une prime d’assurance suffisante pour compenser les pertes auxquelles le capital est exposé. Ils affirment en conséquence que, les pertes déduites, un capital ne rapporte pas plus qu’un autre. Mais quand on observe les faits dans la nature, on s’aperçoit qu’ils ne suivent pas une marche si simple et si rigoureuse.

Bien que les capitaux disponibles se composent de valeurs transportables, et même facilement transportables, ils ne se rendent pas aussi facilement qu’on serait tenté de le croire, dans les lieux où ils obtiendraient de meilleurs profits. Le capitaliste qui en est propriétaire ou l’entrepreneur auquel on pourrait le confier, sont obligés d’entrer dans beaucoup de considérations, indépendamment de celle qui les porte à tirer de leur capital le plus gros profit. On répugne à le transporter chez l’étranger, ou dans un climat inhospitalier, ou même dans une province qui présente peu de ressources pour les plaisirs et la société. On s’est toujours plaint des propriétaires qui négligent de faire à leurs terres les améliorations les plus profitables, parce qu’il faudrait s’en occuper et les habiter constamment. Les gens riches préfèrent le séjour des grandes villes et les entreprises dont elles peuvent être le siége. Les villes sont le marché où les capitaux sont le plus abondans ; et cependant il est difficile de les y emprunter pour aller les faire valoir ailleurs, parce que les capitalistes