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DISCOURS

ont publié de nouveaux traités d’économie politique. Il ne m’appartient pas de les juger dans leur ensemble, et de décider s’ils contiennent, ou non, une exposition claire, complète et bien liée des principes sur lesquels repose cette science. Ce que je puis dire avec sincérité, c’est que plusieurs de ces ouvrages renferment des vérités et des développemens propres à avancer beaucoup la science, et que je me suis perfectionné à leur lecture ; mais j’ai pu, comme tout écrivain en a le droit, remarquer en quoi quelques-uns de leurs principes, spécieux au premier abord, sont démentis par une étude plus scrupuleuse des faits.

Peut-être est-on fondé à reprocher à David Ricardo de raisonner quelquefois sur des principes abstraits auxquels il donne trop de généralité. Une fois placé dans une hypothèse qu’on ne peut attaquer, parce qu’elle est fondée sur des observations non contestées, il pousse ses raisonnemens jusqu’à leurs dernières conséquences, sans comparer leurs résultats avec ceux de l’expérience ; semblable à un savant mécanicien qui, par des preuves irrécusables tirées de la nature du levier, démontrerait l’impossibilité des sauts que les danseurs exécutent journellement sur nos théâtres. Comment cela se fait-il ? Le raisonnement marche en ligne droite ; mais une force vitale, souvent inaperçue et toujours incalculable, fait dévier les faits loin de nos calculs. Dès-lors rien dans le livre ne représente ce qui arrive réellement dans la nature. Il ne suffit pas de partir des faits : il faut se placer dedans, marcher avec eux, et comparer incessamment les conséquences que l’on tire avec les effets qu’on observe. L’économie politique, pour être véritablement utile, ne doit pas enseigner, fût-ce par des raisonnemens justes, et en partant de prémisses certaines, ce qui doit nécessairement arriver ; elle doit montrer comment ce qui arrive réellement est la conséquence d’un autre fait réel. Elle doit découvrir la chaîne qui les lie, et toujours constater par l’ob-