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LIVRE SECOND. — CHAPITRE IX.

miers, ou leur imprudence, fixent quelquefois autrement les conditions d’un bail, on sent que l’influence de ces circonstances accidentelles n’existe que pendant qu’elles durent, et qu’elle n’empêche point que la nature des choses n’agisse d’une manière permanente, et ne tende sans cesse à reprendre son empire.

Outre cet avantage que le propriétaire tient de la nature des choses, il en tire un autre de sa position, qui d’ordinaire lui donne sur le fermier l’ascendant d’une fortune plus grande, et quelquefois celui du crédit et des places ; mais le premier de ces avantages suffit pour qu’il soit toujours à même de profiter seul des circonstances favorables aux profits de la terre. L’ouverture d’un canal, d’un chemin, les progrès de la population et de l’aisance d’un canton, élèvent toujours le prix des fermages. Il s’élève aussi à mesure que l’agriculture se perfectionne ; celui qui connaît un moyen de tirer plus de parti du terrain, consent à payer plus cher le loyer de l’instrument.

La raison qui fait que le propriétaire profite seul des occurrences favorables à un bien-fonds, fait aussi qu’il est victime des occurrences contraires. Quand le profit que rend la terre ne suffit pas pour payer le fermage, le fermier doit y sacrifier une partie des profits de son industrie et de ses capitaux ; il cherche dès-lors à les employer différemment ; et quand le bail n’est point à son terme, le propriétaire est presque toujours obligé de lui faire des remises.

Si c’est le propriétaire qui jouit de toutes les circonstances qui deviennent favorables à ses terres et qui en définitive est victime des circonstances contraires, il est plus que le fermier intéressé aux améliorations, quelles qu’elles soient, qui surviennent dans le pays en général ou dans son canton en particulier : elles tendent toutes à l’augmentation des baux. Ainsi les propriétaires qui passent mollement leur vie dans une ville ou dans une maison de plaisance, touchant avec nonchalance à chaque terme l’argent que leur apportent leurs fermiers, sans s’occuper jamais des sources de la prospérité publique et sans y contribuer en rien ; ceux qui ne s’inquiètent en aucune façon des progrès de l’art agricole ; qui ne provoquent, qui ne secondent aucune de ces grandes entreprises d’irrigations et de canaux, de ponts, de routes et de manufactures, qui doivent accroître la production et la population des cantons où ils ont des terres, suivent une routine plus honteuse encore et plus contraire à leurs vrais intérêts, que celles auxquelles ils reprochent aux gens de la campagne d’être si attachés.