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LIVRE SECOND. — CHAPITRE XI.

ne le suppose[1] ; je veux dire seulement qu’ils n’ont pas à leur disposition tout ce qui est nécessaire pour vivre, et que c’est parce qu’ils manquent de quelque chose qui leur serait nécessaire, qu’ils périssent.

Tantôt c’est un malade ou un homme affaibli, qu’un peu de repos remettrait, ou bien à qui il ne faudrait que la consultation d’un médecin et un remède fort simple, mais qui ne peut ni prendre du repos, ni consulter le médecin, ni faire le remède.

Tantôt c’est un petit enfant qui réclame les soins de sa mère ; mais sa mère est forcée au travail par l’indigence ; l’enfant périt ou par accident ou par malpropreté, ou par maladie. C’est un fait constaté par tous ceux qui s’occupent d’arithmétique politique, que, sur un égal nombre d’enfans, pris dans la classe aisée et dans la classe indigente, il en meurt dans la seconde incomparablement plus que dans la première.

Enfin, une nourriture trop peu abondante ou malsaine, l’impossibilité de changer souvent de linge, de se vêtir plus chaudement, de se sécher, de se chauffer, affaiblissent la santé, altèrent la constitution, exposent beaucoup d’êtres humains à un dépérissement tantôt lent, tantôt rapide ;

  1. L’hospice de Bicêtre, près Paris, renferme habituellement cinq à six mille pauvres ; en 1795, année ou il y eut une disette, l’administration ne put pas leur donner la même nourriture que dans un temps ordinaire ; l’économe de cette maison m’a assuré qu’à cette époque ils moururent presque tous.

    Je trouve dans M. John Barton (Observations on the condition of the labouring classes) un tableau qui montre que, dans sept districts manufacturiers de l’Angleterre, le nombre des décès a été en proportion de la cherté, c’est-à-dire de la rareté des subsistances. En voici un extrait :

    Années. Prix moyen du blé par quarter. Nombre des décédés.
    En 1801 118 shillings 3 den. 55,965
    1804 60 1 44,794
    1807 73 5 48,108
    1810 106 2 34,864

    Dans les mêmes tables, on voit que la disette a causé moins de mortalité dans les cantons ruraux. La raison en est évidente : outre que les ouvriers y sont plus généralement payés en nature, le haut prix de ce qu’on vendait permettait de payer cher ce qu’on achetait.